Nouvelles réflexions à propos de l'éradication et la renaissance de la langue wallonne

Qué walon po dmwin (2) ?

 dierin rapontiaedje - last update: 2011-01-24.

Dressêye:

Aspects politiques:

 Aspects communicationnels

Stratégie :

Aspects techniques: Normalisation

Domaine par domaine.

Impact extérieur du mouvement de renaissance du wallon


Quelques propositions concernant la langue wallonne

(textes intégrés dans le "Livre blanc pour la Wallonie - Phase II")

La langue wallonne est une des composantes culturelles les plus intimement liées à l’identité wallonne, puisque elle porte le même nom que l’entité politique que nous souhaitons rendre plus autonome.

De nombreuses nations qui se sont individualisées en Europe depuis le 19e siècle, se détachant de blocs politico-linguistiques plus grands, l’ont fait sur base d’une trilogie état-langue-nation.

La Wallonie peut développer ce même concept, étant donné :

• que 70 à 75 % de la superficie de la Wallonie politique est couverte par la zone berceau de la langue wallonne (le "solde" est représenté par la région germanophone, le pays d’Arlon, la zone picardophone et la Gaume)

• que la zone berceau de la langue wallonne est à 95 % en Wallonie (le "solde" est représenté par la botte de Givet)

Une telle concordance langue / frontières politique est comparable à celles de nombreux petits états nations européens dont nous parlions ci-dessus.

Le but de la réhabilitation de la langue wallonne serait d’en faire une langue identitaire, co-officielle à côté du français, à l’horizon 2100. Une situation un peu équivalente à celle de l’irlandais.

Pour rappel, la langue wallonne est une langue romane qui s’est nettement individualisée dès le 11e s., sur les frontières politico-religieuses de l’évêché de Liège. Elle est " traçable " dans la " scripta ", textes écrits avant 1600 dans un mélange de français administratif et de mots wallons écrits " à la française ". A partir de 1600, on a commencé à écrire sciemment le wallon. Un système "phonético-analogique" mis au point par Jules Feller en 1900 a permis une éclosion d’auteurs et de lexicographes tout au long du 20e s. Mais le "système Feller" n’est pas une orthographe, car on note les accents de chaque locuteur ; il ne peut donc convenir pour un développement d’une langue wallonne écrite unifiée.

L’état de dégradation de la connaissance de la langue wallonne actuelle nécessite pour ce faire une action dynamique et rapide. Les générations qui sont encore familières avec la langue depuis leur enfance sont maintenant dans la cinquantaine, pour les plus jeunes.

La partie technique d’une telle action, la normalisation du corpus de la langue, a été entreprise avec succès, depuis 1992, par une action volontariste d’associations de promotion du wallon. Cette forme écrite commune constitue 95 % de l’écrit wallon disponible sur Internet. La langue wallonne écrite commune n’est pas associée à une prononciation standard. Ainsi elle peut conserver les différents accents wallons régionaux (on ne perd donc rien des richesses due à la diversité).

Les actions de promotion de l’enseignement de la langue wallonne, matérialisées par ce qu’on a coutume d’appeler les décrets "Valmy Féaux" et "Urbain", n’ont jamais été suivis d’effet, vu l’absence de décrets d’applications.

Mais la carence la plus apparente, c’est le manque total d’actions pour réintroduire la langue wallonne dans le secteur économique, marchand ou non marchand. Alors qu’en 1900, 80 % de la communication dans l’agriculture, l’industrie, les petites administrations, etc. s’effectuait en wallon. Sans une utilité économique, toute action de réhabilitation de la langue est vouée à l’échec. Le wallon, s’il veut survivre, doit servir à "aveur des belès plaeces". Ce fut le secret de la réussites de petites langues qui ont récemment "ressuscité", comme le catalan ou le luxembourgeois. Des mesures dans ce sens peuvent être mises en place par la Région Wallonne dans ses compétences actuelles, puisqu’elles sont du ressort de l’économique.

Une première étape serait de demander des petits résumés en wallon à tous les textes qui émanent de toute structure collective wallonne utilisant les deniers publics. Y compris les unités privées qui reçoivent des subsides la Région Wallonne.

Au niveau des structures gérées par la CWB, la presse et la radio pourraient être concernées par des mesures simples et sans budget en faveur de la langue wallonne. Les subsides à la presse pourraient être liés à la présence d’un quota de pages en langues régionales. Les textes en langue wallonne devraient être diffusés sur les pages nationales, et non régionales de telle ou telle province. De même, à Vivacité, les émissions en langue wallonne doivent pouvoir être captées sur l’ensemble du territoire de la Wallonie. Les émissions télévisées sur le wallon doivent être faites en wallon et non en français. Un quota de chansons wallonnes dans toutes les émissions nationales doit être imposé dans le contrat de gestion de l’RTBF (au lieu de l’interdiction de facto actuelle). Ces mesures généreront des petits flux financiers initiés par l’usage de la langue wallonne.

S’il se dégage un intérêt économique à la connaissance du wallon, les parents, puis l’école, seront demandeurs, quelle que soit l’autorité compétente pour son organisation.

Les mêmes actions doivent être mises en place pour le picard, mais en concertation avec les utilisateurs et institutions picardes de Picardie française.

En ce qui concerne les medias, la création d’une RTW (Radiotélévision wallonne ; " Spitantisté ") est indispensable à moyen terme. Elle doit avoir son émetteur principal à Namur et des centres de production à Liège, Charleroi et Bastogne. Quant aux studios de Mons, ils se spécialiseraient dans la promotion de la langue picarde. De même, ceux Arlon seraient un noyau d’utilisation du luxembourgeois et du gaumais.


Lucyin Mahin, 1 avril 2009.


Sytème phonologique du wallon

Le problème de toute langue non normalisée, comme le wallon, est qu'elle n'a pas de système phonologique unique. En fonction des divers parlers, on peut rencontrer des phonèmes divers et parfois uniques. Ainsi, le "in" présent dans la majorité du territoire wallon devient-il, pour certains mots, "én" (é fermé nasalisé) dans le nord de la Wallonie, voire "în" (i nasalisé) dans la région de La Louvière et de Nivelles. Faut-il considérer ces deux sons comme des phonèmes distincts de "in" ou comme des réalisations distinctes d'un même phonème, sans pertinence phonologique?

Il existe quelques descriptions du système phonologique de parlers wallons, par exemple celui d'Oreye (région de Waremme) par Léon Warnant, celui de Bastogne et de Tenneville par Michel Francard et, je crois, celui de Charleroi par Jean Germain. Ils consistent en général à opposer des paires phonologiques pour déterminer le système.

Néanmoins, il est possible de donner des caractéristiques phonologiques générales présentes dans tous les parlers wallons.

Consonnes

Par rapport au français, le wallon possède, en plus, les phonèmes "tch" et "dj" (comme l'anglais "church" et "jam"), qui ont existé en ancien français, mais qui se sont depuis lors simplifiés en "ch" et "j" (comparer "tchesse" et "chasse", "djane" et "jaune"). Il ne s'agit pas de la simple juxtaposition de "d" + "j" ou de "t" + "ch", car on oppose presque partout "i djeut" (il disait, "d" + "j") à "on djeu" (un jeu, phonème "dj").

Certains parlers (dont le mien) possèdent en plus les phonèmes "ti" et "di" (t mouillé et d mouillé), distincts de "tch" et "dj", permettant de distinguer, par exemple, "tchesse" (la chasse) de "tiesse" (la tête) et "(i) djale" (il gèle) de "diâle" (le diable).

Semi-consonnes

Voici votre question.

Le wallon possède, comme le français, les semi-consonnes "j" (yod) et "w" comme dans l'anglais "year" et "what", que le français a dans "yeux" et "oui". Par contre, il ne possède pas la semi-consone de "juin" ou de "aujourd'hui", remplacée, dans notre français, par "w".

La différence, c'est que ce phonème "w" est bien plus courant en wallon qu'en français, vu qu'il a été conservé en début de mot, là où il est passé à "g" en français (wårder, wåfe, wé, wêtî, pour le français garder, gaufre, gué, guetter (au sens de regarder)). Il est vrai que la plupart de ces mots viennent du germanique, conservé tel quel. Même "wé" pose problème, car un "vadum" latin aurait du rester "vé" en français et non passer à "gué". Je confirme que "nawter" se prononce comme l'anglais "now" + "thé".

Voyelles

C'est ici que le système phonologique du wallon diffère le plus du français.

Le wallon connaît une opposition de voyelles longues et de voyelles courtes. De plus, l'opposition "longue" - "courte" se traduit par des sons de timbres très différents. On peut donc affirmer que tous les parlers wallons possèdent, au moins, cinq degrés d'ouverture, alors que le français "standard" n'en a que quatre, voire trois dans la prononciation courante actuelle.

Ex:

"djîse" (poutre) avec i long, de timbre proche de l'anglais "feel" et du "i" français, mais long.

"mi" (moi) avec i court, de timbre proche de l'anglais "fit", inexistant en français, mais présent dans toutes les langues germaniques.

"maisse" (maître) avec e long, de timbre variable, allant du "é" (été) au "ai" (restait), voire encore plus ouvert, mais toujours long.

"les" (les) avec e court, de timbre proche de l'anglais "let" et du français "restait"

"cûre" (cuire) avec u long, de timbre proche de l'allemand "fühlen" et du "u" français, mais long

"pus" (ne plus) avec u court, de timbre proche de l'allemand "küss", inexistant en français, mais présent dans toutes les langues germaniques.

"leû" (leur) avec eu long, de timbre proche de l'allemand "röhre" et du "eu" français de "feu", mais long

"leu" (loup) avec eu court, de timbre proche du français "oeuf" ou "petit". A noter que le "e" neutre du français "le" n'existe pas en wallon, la voyelle "d'appui" étant "i" court, "u" court ou "è" court (pitit, putit ou pètit pour "petit", dimwin, dumwin ou dèmwin pour "demain"). Ce "e" existe dans le Brabant wallon, mais suite à une évolution qui a transformé tous les "i" et les "u" courts en "oe" (demwin, le ptet djene avou me, pour dimwin, li ptit djune avou mi = demain, le petit déjeune avec moi)

"boûre" (bouillir) avec ou long, de timbre proche de l'anglais "fool" et du "ou" français, mais long.

"dous" (doux) avec ou court, de timbre proche de l'anglais "foot", inexistant en français, mais présent dans toutes les langues germaniques.

"côp" (fois) avec ô long, de timbre variable, proche du "au" français de "autre", mais pouvant aller d'un son proche de "ou" à un "au" nasalisé.

"cole" (colle) avec o court, de timbre proche du français "o" de "botte"

"pate" (patte) avec a court, de timbre proche du français "a" de "battre".

"påsse" (pâte) avec a long, de timbre variable, allant du "a" long au "au" long en passant par le "o" long. A noter que, partout, il y a opposition phonologique entre "a", "å", "o" et "ô", même si leurs réalisations sont différentes.

 

"bin" (bien) avec in, de timbre proche du français "pain".

"blanc" (blanc) avec an proche du français "blanc". Dans certaines régions, prononcé identique à "on".

"long" (long) avec on proche du français "long".

Phonétiquement, certaines réalisations de "ô" sont des "au" nasalisés (Brabant wallon), certaines réalisations de "an" sont des "on" (Huy, Charleroi) ou des "ån" (a fermé nasalisé, différent de "an") (Neufchâteau), certaines réalisations de "in" sont des "é" nasalisés (Brabant wallon, Waremme), voire des "i" nasalisés (La Louvière, Nivelles). En outre, en de nombreux endroits, la présence d'un "r" ou d'un "s" après une voyelle longue tend à ouvrir celle-ci, mais sans pertinence phonologique.

Voilà, j'espère que ce bref exposé sera clair pour vous. N'hésitez pas à me poser des questions complémentaires.


Thierry Dumont, so "Viker", li 10 di decimbe 2005


Établissement du statut d'une langue régionale: plus politique que linguistique.

Débat sur le groupe de conversation "Viker" en janvier 2004.

1ère intervention: Roger Thijs.

La définition et acceptation d'une "langue régionale" (plutôt que de la considérer comme une variante dialectale d'une langue administrative) est clairement plutôt une question politique que linguistique.

Voici l'exemple des Pays-Bas : Le frison a une grande reconnaissance, inclus l'usage officiel régional. Le bas-saxon a une petite reconnaissance, ainsi que le limbourgeois (limité aux frontières des Pays-Bas). Ceci est le résultat d'actions politiques. Si par contre on définissait une langue régionale en fonction de la distance linguistique, le résultat serait différent, cf. la carte suivante:

On voit en ordre décroissant de distance linguistique (d'avec le hollandais "central"):

Et pourtant le Frison est le plus universellement reconnu comme langue régionale. Ce qui prouve, pour ce qui me concerne, que la notion politique d'identité culturelle est extrêmement importante pour obtenir un " statut officiel administratif " de fait pour une langue régionale.


Roger Thijs, foû di: Viker, 11 di djanvî 2004.


Réponse de Pablo Sarachaga.

Tout à fait !

Des exemples encore plus frappants: le galicien (co-officiel en Galice), qui ne diffère que très peu du portugais.

Et, encore plus fort: le serbe, le croate et le bosniaque ! Il y a moins de 15 ans ces langues n'en faisaient qu'une, le serbo-croate, leur différentiation est avant tout politique (intéressant de noter aussi qu'on ne commença à parler de "bosniaque" que bien plus tard que les deux autres, et que ça a coïncidé avec l'affermissement de l'état bosniaque).

Come li ricnoxhance do statut des lingaedjes est fwait på pouvwer politike, i fåt pol dimander fé ene dimande d' ôre politike.


Pablo Sarachaga, foû di: Viker, 12 di djanvî 2004.


Application au cas du wallon.

Les atouts du wallon.

Le wallon possède techniquement tous les atouts pour être une langue de même "niveau" que le slovène, l' estonien, le maltais, ou encore le croate, le serbe, le bosniaque:

En conclusion, le wallon a énormément de caractéristiques techniques (linguistique) pour devenir une langue à part entière.

Les malheurs du wallon.

En conclusion, le wallon a énormément de handicaps pour progresser vers une reconnaissance politique.


Lucyin Mahin foû di: Viker, 11 di djanvî 2004.


Remarques de Jacques Werner.

Come vos av' à m' idèye, mèye côps rèzon avou çou quu vos d'hoz sol boutèdje pol walon par les politiciens et tos les ôtes qu'ont des çanses ou qu'ont bramint à dire èt qui n'acontèt l' walon  qu'à leu môde.

Mins, mi shonne-t i, on-z a bén mezåjhe di djins come vos ki n' loukèt nén a leus poennes po-z ovrer comifåt, come i n a waire kel fijhèt. Vos n' estoz nén tot seu di vosse costé mins nouk n' aveut måy oizou ou savou fé l' ovraedje ki vos fjhoz, pår so Etrernete. Po tot çoula, on n' vos såreut dire assez merci.

Po l' moumint, i n' areut mutwet d' quwè su sinte duscorèdji (lu walon rèscoule èt l' Walonrèye èst come èdjalèye). I fat portant louquer du n'  nin lèye djus èt tuni bon .

I n'a one (pitie) sôre qu'on-z-areut dandji duvant tot d'èmantcher à l copète dè martchi, vos l'av adviné, vos l' sav mi  qu mi, c'èst lu pus' possibe èco du marketing tot-ava pôr à djou d'ouye.

MINS CUMINT Y ARIVER? 

Enfin, vos l' savz tot si bin qu mi, après l' mava timps, lu solo ruvint.

Eco bin !


Jacques Werner, foû di: Viker, li 11 di djanvî 2004.


L'unité de la Wallonie, une évidence linguistique.

José fontaine fonde l'unité de la Wallonie sur deux éléments primordiaux, la géographie et l'art.

Sur le versant géographique, c'est l'existence de l'Ardenne, une montagne vielle, qui, géologiquement, accumule du charbon et des minéraux sur ses marges, creusées par la Meuse et la Sambre.

Le versant artistique, je le connais beaucoup moins. Je laisserai à d'autres le soin de montrer son rapport avec l'unité de Wallonnie.

Il faut quand même reconnaître que ces deux arguments prêtent facilement le flanc aux critiques.

Si le plissement hercynien avait été capable de générer un état unitaire à partir de ses richesses minérales et les concentrations humaines qui ont suivi leur exploitations, alors la Wallonie comprendrait aussi Cologne, la Rhur, et le Luxembourg, en plus des Ardennes françaises.

Il y a au moins trois nations actuelles qui reposent géographiquement sur le massif Ardenne-Eiffel : la Wallonie, le Luxembourg et l'Allemagne réhnane

(Passons sur cette zone de l'Allemagne que je connais moins culturellement. Néanmoins, gageons que l'unification de l'Allemagne, a l'instar de celle de la Belgique, s'est faite par la négation des unités culturelles régionales, dont les langues, appelées péjorativement plat-deutsch, dans l'unité politique imposée par Hoch-deutsch. Quand on pense que le luxembourgeois n'a aucun statut en en Allemagne alors qu'il y est parlé sur une superficie plus grande que celle du grand Duché lui-même.)

Je ferme la parenthèse. Revenons à la Wallonie.

Dans son étude "Le discours anti-Wallon en Belgique francophone, 1983-1998, (Toudi, sept. 1998), José Fontaine écrit:

"L'espace correspondant à la Wallonie ne fut certes jamais unifié politiquement avant 1795, encore que la principauté de liège présente une belle continuité historique et rayonna sur le pays wallon jusque Verviers, Dinant, Philippeville, Jambes, jusqu'au coeur de l'Ardenne et du Hainaut d'aujourd'hui (au delà même de Charleroi) pendant plusieurs siècles au milieu d'un diocèse plus étendu encore.

Voilà un fait historique très important. Et de ces deux éléments, l'aspect politique (la principauté) et l'aspect religieux (l'évêché), c'est ce dernier qui est le plus important pour le quotidien des gens, donc le développement de leur culture.

C'est vrai que politiquement, la zone wallonophone actuelle était très morcelée au moyen âge. Ainsi, au 14e siècle, elle est répartie sur pas moins de 8 unités politiques : La principauté de Liège, le comté de Namur (entièrement wallons), le comté de Limbourg dont le sud, le pays de Herve actuel est wallon), le comté de Luxembourg (dont le gros tiers nord-est est wallon), le duché de Brabant (dont le tiers méridional est wallon), le comté de Looz (à peu près le Limbourg actuel, dont la bordure sud est wallonne), la principauté de Stavelot-Malmedy (quasi entièrement wallonne), et le comté de Hainaut (dont seule la bordure orientale est wallonne, linguistiquement).

Or, d'un point de vue religieux, toutes ces terres wallonnes dépendent de l'évêque de Liège. C'est sur ce territoire que va se développer le ciment humain de l'unité wallonne : sa langue, la langue wallonne.

Or, de petites portions de la Wallonie actuelle ne sont pas sous juridiction spirituelle de Liège.

Le Hainaut, dans sa grande majorité dépend de l'évêché de Cambrai ; c'est sur la superficie de cet évêché que va se développer la langue picarde.

De petites zones au sud des comtés de Luxembourg et de Namur dépendent de l'évêché de Reims. C'est là qu'est née la langue champenoise.

De larges zones du comté de Luxembourg dépendent de l'évêché de Trèves. C'est sur la surface de cet évêché que vont naître deux langues : le lorrain pour les zones antérieurement romanes, et le luxembourgeois ou francique mosellan, sur les zones antérieurement germaniques. - Dans le comté de Luxembourg, la frontière linguistique romain-germain est stable depuis l'époque de Charlemagne, et est la même qu'actuellement -.

Ainsi une unité humaine profonde va unir tous ceux qui habitent de Thuin-La Louvière, jusque Aubel-Faymonville, de Ricsensart et Visé jusque Fumay et Léglise.

Dans cette zone, la langue du pays, le wallon, présente une unité étonnante vu la dispersion politique au moyen âge et la dénigrement systématique de cette unité par les unitaristes belges, regroupés autour du français glottophage (qui tue toutes les autres langues présentes sur un territoire pour s'imposer).

Une des meilleures unités d'élite pour dénigrer l'unité de la langue wallonne a été, paradoxalement, les linguistes wallons, qui ont érigé la dialectologie comme science unique pour la description et la conception du wallon. Et qui ont prôné un système orthographique, le système Feller, qui renforce la vision des disparités de la langue, au dépends de son unité.

Depuis 1995, je travaille deux à trois heures chaque jour sur l'élaboration d'un dictionnaire général du Wallon, et à la publication sur mon site Internet de textes wallons préexistants tout en harmonisant l'orthographe.

Ce sentiment d'unité Wallon, je le vis journellement. Comment pourrais-je le partager avec vous sinon par des exemples techniques. Je les prendrai uniquement à travers le travail du mois de mai 2001.

La page d'étude sur le suffixe -ea (équivalent du suffixe -eau français) confirme cette version. Disparité apparente, avec deux prononciations différentes. En effet, bea, novea, tchapea, tchestea, se prononcent bê, novê, tchapê, tchestê à Liège et en Ardennes, et bia, novia, tchapia, tchestia à Namur et Charleroi. Mais en fait, il n'y a là pas plus de différence qu'entre un Marseillais qui, en français, prononce lan'tëmang, et un Parisien qui dit lont'mon, tous deux écrivant "lentement".

Le picard est nettement différent : biô, noviô, capiô, catiô. Ici plus d'intercompréhension : c'est une autre langue.

Également le sens des mots : un tas, en wallon, c'est partout moncea (moncê, moncia, moncha). Mais un morceau ce n'est jamais un ''morcea'', c'est toujours un ''boket''. Dès qu'on entre en zone picarde ou champenoise, on retrouve le radical ''morceau'' (dèmourcèler).

Il en va de même pour les noms de personnes. Quand on regarde les graphies anciennes de noms de famille comme Morceau / Moureaux, Rousseau, Losseau, on trouve les formes wallonnes Morea, Moray, Moria, Mouria ; Rossay, Rossia, Roucha, Lohay, Loxhay. A noter que lorsque l'etat civil a obligé à la transcription en français de ces noms wallons, la connaissance du français étant très fragmentaire, même chez les clercs, ce sont parfois des formes picardes qui se sont imposées (Roussiô, Mouriô, Loussiô ).

Mon étude sur le suffixe ea en Wallon présente comme une page pédagogique, est consultable sur Internet à l'adresse http://rifondou.walon.org/betchfessi_patapat.html.

Je vais tirer les exemples ci-après du travail Li splitchant motî do walon (dictionnaire explicatif détaillé) que je réalise on line avec Pablo Saratchaga.

Une take est un mot wallon que tous les Wallons, même francophonisés, connaissent bien. C'est un mot allemand qui désigne une plaque de métal. Celle, entre autres, qui était disposée dans le mur de la cheminée pour chauffer en même temps la bele plaece, la chambre de réception qui se trouvait derrière la cuisine. Aucun mot français équivalent. Les folkloristes traduisent tout simplement ''taque''.

Or il y a à Liège un dérivé takèdje pour désigner les plaques de fonte qui constituaient un plancher dans les mines, à l'endroit ou les wagonnets devaient tourner.

Et bien, le même mot se trouve également à Charleroi (tacâdje). Or vous entendrez cent fois les détracteurs du wallon vous rabacher que le wallon de Liège et de Charleroi ne sont vraiment pas la même langue.

Second exemple: tchitche / catche.

Il s'agit de pommes (mais aussi de poires et de prunes) séchées, au four ou à l'air libre, en vue de leur conservation. Pas de mot équivalent en français; le mot Wallon provient du rhénan kitsch, katsch désigne le trognon de pommes (E.Dethier).

Les deux mots wallons (catche et tchitche) semblent occuper des aires différentes : catche en zone liégeoise, tchitche dans le Luxembourg, le Namurois et le pays carolo.

Le mot est tellement courant qu'il a donné lieu à de multiples expressions. Comme rimète les catches o for (se réconcilier, en parlant d'amoureux).

Il a formé des dérivés tchitchî difficilement traduisible: glisser entre les doigts pour quelques chose de pâteux (synonyme de brotchî), gigler (synonyme de stritchî).

Du premier sens dérive celui de percer un abcès, faire sortir du pus situé sous la peau et de celui-ci, le mot tchitche 2: ce qui sort des yeux après le sommeil, les chassies.

Le sens ''tchitche'' = chassie n'est connu que dans le pays de Charleroi et en Ardenne Méridionale où il donne les dérivés tchitchot, tchitchoûd: chassieux.

Mais que vient faire dans ce bel ensemble le synonyme catchiveus (chassieux) qu'on rencontre dans le pays de Charleroi ? C'est à dire dans une zone où la pomme séchée s'appelle tchitche.

C'est à mon sens, une preuve de plus que les deux mots tchitche et catche étaient répandus, à une époque, dans toute la Wallonie, et compris comme synonymes, avec tous leurs sens et leurs dérivés.

C'est là qu'interviennent les éradicateurs du wallon qui postulent : vous ne vous comprenez pas entre Carolos et Liégeois, utilisez donc le français entre vous. (Le même discours était tenu au Nord: Flamands et Limbourgeois ne peuvent pas se comprendre en utilisant leurs langues régionales : Qu'ils communiquent donc en français !).

Dès lors, de moins en moins de communication en wallon entre Wallons. Les mots ne circulent plus. Les sens et les prononciations récoltées ça et la, au hasard des enquêtes, font le délice des dialectologues qui en concluent en la dispersion infinie du wallon. Et au nom de cette conclusion tronquée, ils combattent toutes velléité de créer une langue wallonne commune (Grignard, Hicter), impossible techniquement selon eux..

Ce faisant, ils confortent les opinions de l'élite francophone du 19e siècle, qui s'opposait à l'avancée du statut du wallon pour privilégier le français en Flandre et en Wallonie. Le seul discours en wallon au parlement (en 1898) avait comme conclusion : vous n'avez rien compris, n'est-ce pas, donc continuons à parler uniquement français dans cette enceinte, l'utilisation de chacun son patois flamand ou wallon conduirait à une impasse.

C'est cela aussi, l'histoire du discours anti-Wallon dans le Belgique indépendante, en particulier au 20e siècle.


L. Mahin, le 05/06/01.


Suite à une lettre officielle du Conseil des Langues Régionales Endogènes (dépendant de la Communauté Wallonie-Bruxelles), qui déclare ne vouloir aider financièrement que les projets en wallon qui conservent, dans l'écrit, l'accent de leur terroir d'origine (système de transcription des accents dit "Feller"), l'A.S.B.L. " Li Ranteule ", dont une commission spécialisée a développé un projet bien avancé de wallon normalisé, a demandé une entrevue au C.L.R.E., qui aura lieu le 16 octobre 2002.

Réunion Ranteule-Conseil des Langues Régionales Endogènes.

 

Quelques notions liminaires.

1. Le système de transcription Feller tel qu'il est conçu actuellement est en contradiction, techniquement:

"L'ensemble des dialectes wallons forme une unité linguistique d'un ordre supérieur. On peut convenir d'appeler cette unité langue wallonne ou wallon." Feller, Jules, Notes de dialectologie wallonne, 1912, Liège, p.8 (Qué walon po dmwin ? Ed. Quorum, 1999, p. 233)

On peut en conclure que la manière dont a évolué le système mis au point par Feller est une trahison de la pensée de son auteur, qui cherchait lui-même à normaliser l'écrit wallon.

2. Une langue ne peut exister au 21e siècle avec une forme écrite qui est une transcription des accents du 20e siècle de ses dialectes, alors même que ces dialectes ne sont plus transmits oralement. Quel est le but assigné au C.L.R.E. par le contribuable wallon ? De conserver, en musée, les restes de la mémoire des derniers locuteurs natifs du wallon, ou d'aider à la survivance en 2050, en 2100 et au-delà, de la langue wallonne ? Dans le second cas, la nature de la gestion de la langue doit changer du tout au tout. Une langue non transmise oralement ne peut plus vivre sous statut de "langue populaire", mais doit impérativement acquérir un statut de "langue haute", avec un enseignement et une forme écrite unifiés. L'acquis du Feller aura été de pouvoir conserver aussi longtemps que les Wallons le voudront, les accents du 20e siècle dans la prononciation de leur lange normalisée du 21e siècle.

3. Ces remarques concernent la langue wallonne uniquement, et non l'intégralité des L.R.E. gérées par le C.L.R.E. Les gens habitant ou ayant habité dans les zones berceau de la langue wallonne peuvent être estimés à plus de 2 millions càd autant que les Slovènes, les Estoniens dont les langues sont en passe de devenir officielles en Union Européenne et situées dans une position linguistico-politique fort similaire à celle du wallon.

4. Le CRLE a-t-il dans ses prérogatives le pouvoir de refuser des aides aux projets de normalisation, marginalisant ainsi la seule option stratégique d'avenir pour le wallon ? Le CRLE a-t-il la mission de consacrer tous les deniers du contribuable aux seules œuvres muséifantes du wallon ?

5. L'équipe qui s'est constituée, au sein de l'association "Li Ranteule", pour finaliser un projet de normalisation très ambitieux connu sous le non de "rifondou walon" a acquis un savoir-faire incommensurable en la matière. Elle offre différents services à la communauté wallonne: dictionnaires, sites Internet, listes de discussion technique et culturelle, et ceci gratuitement. J'estime les montants ainsi accordés, en heures d'experts, location de serveurs Internet, frais de secrétariat, etc. depuis 1993 (début du DTW) à la somme colossale de 200.000 euros (travail à quart temps de quatre personnes Laurent Hendschel, Pablo Soratchaga, Lucien Mahin et Thierry Dumont, certains d'entre eux, pendant 10 ans). Via le CRLE, un soutien au projet a été estimé jusqu'à présent à 5000 euros (vè l'Anuti + Li Ranteule-gazete) avant le couperet de la "lettre Lardinois", qui officialise l'embargo décrété par le C.L.R.E. sur toute allocation de fonds au wallon non dialectal.


Lucyin Mahin, Ranteulî et rfondeu, li 15 di djulete 2002.


Date des premières messes en wallon ?

Question de Nathalie Bléser (qui fait une thèse sur Henoumont a l' université de Granada, Espagne): quand estime-t-on que certains sermons étaient prononcés en wallon en Province de Liège?

Le Notre-père.

Dans un article bien documenté (Dialectes de Wallonie, 8-9, 1981; renseignements sur cette revue disponibles sur le Site de la Société de Langue et Littérature Wallonnes), Roger Pinon donne l'historique des versions "del påter" (féminin en wallon) en wallon.

A part les version anciennes, faites à titre documentaire sur les "patois" (1660, 1880), la première version "moderne", qui se détache de la traduction française littérale, est due à des écrivains, et ne semble pas avoir été inclue dans des messes en wallon: Joseph Mignolet 1937 (incomplet, dans une traduction de l'évangile), Joseph Lecrompe (dans une traduction de la messe, intitulée: "Li messe des simpès djins, come on l' dijheut lavnoultins, cwand les curés djåzént latén.", publiée à Bomal-sur-Ourthe).

L'hypothèse que cisse påter la ait été dite dans une messe est improbable, tant le Notre-Père, prière canonique, ne pouvait être concue hors des "normes" de l'Eglise, le Pater Noster latin, alors.

Vint le Concile Vatican II (1959).

La mise en pratique les idées du concile - dont l'utilisation du français pendant la messe en Wallonie -, a pris un certain temps; celle du wallon, plus encore. En 1965, Lucien Léonard écrit ene påter et un avé chanté pour les fêtes de Wallonie à Namur. Je ne puis affirmer qu'il a été dit pendant un office, mais c'est possible, vu les très forts liens entre le cercle wallon "Les Relîs Namurwès" et la sensibilité catholique. Auguste Laloux modifie légèrement cette version en 1966. Ces prières sont mises en musique par Ernest Montellier.

On sent un mouvement naître de partout; témoin, ce pater de la région de Forrière-Marche qu'on retrouve en 1966 dans le bulletin du Cercle wallon d' Arlon.

Mais (comme toujours), ce n' est que 15 à 20 ans après leur initiation que les nouvelles idées percent réellement: soit, pour ce qui nous occupe: vers 1975.

décembre 1974: version de Robert Arcq (autre grand écrivain wallon, région de Charleroi), dans une plaquette intitulée "messe en wallon" (donc, probablement dite pour les fêtes de Wallonie 1974).

fêtes de Wallonie 1976 : messe en wallon a Huy (Notru-dame del Såte), le påter est une version de Victor Georges (autre poète wallon) légèrement modifiée.

1977: messe a Wavre avec ene påter de fabrication locale (probablement par un ecclésiatique non écrivain wallon), avec des prières avant et après. On signale que le doyenné a donné son autorisation (ce qui suppose une nouveauté "n'allant pas de soi").

Les sermons.

Concernant les sermons, le français est utilisé (probablement a-t-il remplacé le wallon) depuis au moins 1830 comme en témoigne le texte de Simomon "li langue nåcionåle").

Les premiers sermons en wallon ont dus être postérieurs aux prières, donc pas avant 1965. J'ai dans la tête les pretchmints de l'abbé Henin (toujours aux fêtes de Wallonie à Namur) à partir de 1974, et ceux de l'abbé Mouzon (à Libramont) en 1977. Mains je dois vérifier ces dates.

L'ordinaire de la messe.

Pendant une bonne vingtaine d'années, le wallon ne trouvait sa place que dans la "liturgie de la parole" (première partie de la messe), principalement, les épitres, l'Evangile, le sermon, les intentions, et les chants. Dès après les intentions, on retombait étrangement sur le français. Ce n'est qu'en 1997 que la commission religieuse de l'UCW sort ses livrets "Ordinaire de la messe", gre auxquels le wallon peut être utilisé de part en part. Néanmoins, on se réfère toujours au système des "versions régiolectales", cinq au total, mais qui ne couvrent qu'une petite partie de la Wallonie, si on continue à écrire le wallon différemment par rapport à chaue prononciation locale. De plus, ces versions de 1997 ne sont pas revêtues de l'imprimatur.

Quid depuis ? Personnellemnt, je n'ai encore jamais pu assister à une messe entièrement en wallon.

A quand une version en orthographe pan-wallonne, avec l' imprimatur, qui pourrait être tiré à un nombre conséquent d'exemplaires pour permettre sa diffusion généralisée ?


L. Mahin, le 13-09-03.


" Planification du corpus ", cwè çki c' est d' ça po ene biesse ?

Sous ces mots savants se cache une proposition d'aménagement du wallon, non pas en reproduisant l'accent des 300 localités de Wallonie, mais en notant les mots d'une façon unique, selon une base historique et pratique, la même pour tout le domaine wallon.

Ainsi, " bê " et " bia " (li bia bouquet) ne sont pas deux mots différents, qui méritent d'être écrits de deux façons. Nos ancêtres du Moyen-âge avaient résolu le problème. Ainsi, ils écrivaient " Barvea " qui se prononçait " Bârvê " ou " Bârvia ". " bê " et " bia " pourraient donc s' unir et s'écrire " bea ".

L'établissement d'un wallon commun (qui, vu le caractère wallon, ne peut pas être l'écrasement d'une variante par une autre) est la seule solution pour que notre langue sorte vivante du 21ème siècle, et pour la transmettre aux jeunes vivant en Wallonie dont plusieurs n'ont pas de proches parlant wallon.

La méfiance - pour ne pas dire l'agressivité - de certains milieux envers cette démarche, même si elle respecte toutes les activités traditionnelles qui peuvent fleurir à ses côtés, est injustifiée et rappelle l'opposition farouche des milieux d'écrivains wallons au système Feller au début du siècle dernier.

L'attitude d'un André Gauditiaubois (le parolier de William Dunker), qui accepte que ses textes soient retranscrits sous toute forme de wallon, y compris la forme normalisée, me paraît de loin plus raisonnable. Même position de Paul-Henry Thomsin, le traducteur de nombreuses bandes dessinées.

En technique d'écriture wallonne aussi, il ne faut pas changer de pansement mais penser le changement (clin d'œil à René Brialmont).

Que doivent penser les responsables de la SABAM de la "langue" wallonne quand ils reçoivent une adaptation en wallon de Mettet d'une pièce écrite en wallon du Gerpines, alors que les deux localités sont à moins de 20 km ? Comme si on "traduisait" Molière du français de Versailles au français d'Issy-les-Moulineaux !

Quand les auteurs de théâtre en wallon écriront en normalisé, ils pourront percevoir l'ensemble des droits d'auteurs, et non les partager avec un adaptateur qui n'a fait que transformer " tchanter " en " tchantè "

Pour en savoir plus, sur le NET:


On a parlé du wallon normalisé sur Matin Première.


François Braibant: "Tchapê, tchapia, tchèpé, tchèpia, capia (NDLR: exemples moins sujets à polémique), le wallon varie de région en région, parfois de village en village. Depuis une bonne centaine d'années, l'orthographe FELLER, dérivée d'une orthographe française simplifiée, permet d'écrire le dialecte et l'essentiel des variations locales.

Mais les dialectes wallons sont bien plus semblables entre eux qu'ils ne sont différents, ont estimé certains wallonisants. Il y a une petite dizaine d'années, quelques-uns d'entre eux ont eu l'idée d'inventer une nouvelle orthographe wallonne, une orthographe valable pour toutes les variétés régionales. Exemple : à Liège un poisson est un PEHON. A Namur, c'est un PECHON. On écrirait alors le mot "P - E - X - H - O - N". A la lecture, le Liégeois prononcerait PEHON, comme à son habitude, et le Namurois y retrouverait sans problème son PECHON.

A quoi cela peut-il bien servir ? A donner une plus grande audience aux textes littéraires wallons assurent ses promoteurs. Mais comment choisir entre des "canadas" namuroises et des "crompîres" liégeoises ? Ce sont de simples synonymes, on a le choix, assurent-ils. Le choix de prendre le mot le plus répandu, ou au contraire le plus "original", le plus éloigné du français... au risque si l'attitude devient systématique, de ne plus être compris par personne. Et la tendance existe bel et bien.

L'initiative suscite pas mal de résistances, y compris au sein de l'Union Culturelle Wallonne, pourtant à l'origine de cette tentative de réforme. Pour ses adversaires, ce "rifondu wallon", par trop artificiel, menacerait la survie déjà bien aléatoire des dialectes tels qu'ils sont effectivement écrits et parlés. De leur côté, universitaires et dialectologues n'apprécient pas non plus. Pour les mêmes raisons, et pour d'autres encore. Ils pensent d'abord que ce "refondu" ne sera jamais utilisé que par ses concepteurs. Et puis surtout ils dénoncent les connotations franchement nationalistes qui se profilent là-derrière. Connotations nationalistes et même un ressentiment affiché pour la langue française.

Et effectivement, à se promener sur l'internet wallonisant, c'est bien ce qu'on y remarque. Le français y est régulièrement considéré comme une langue étrangère à la Wallonie. Ceux qui promeuvent ce "Wallon commun" annoncent vouloir lui donner une place "plus importante", un statut officiel et reconnu dans la Wallonie du futur. A l'école, dans les media, dans l'administration, et puis aussi comme langue nationale à côté du français voire, pour les plus extrémistes d'entre eux, en lieu et place du français.


BRAIBANT, F - Matin Première, "actualité régionale", le 28 05 2003 à 06 h. 54.


Remarquable synthèse, toute en concision. Merci à Mr Braibant, qui fait honneur à son nom wallon (en français, c' est Brabant) !

Quelques remarques.

Matin première: Depuis une bonne centaine d'années, l'orthographe FELLER, permet d'écrire le dialecte et l'essentiel des variations locales.

L' Aberteke: Faisons remarquer que le terme d' "orthographe" Feller est impropre. Une orthographe, par définition, donne une image unique de chaque mot. Le système Feller est un système de transcription des variétés régionales, voire locales, du wallon. Il suppose que le scripteur, "locuteur natif", reproduise l'accent du wallon qu'il connaît, qui lui a été transmis par les générations adultes dans un milieu linguistiquement homogène. Cette condition primordiale pour expliquer le succès du "Feller" n'existe plus actuellement.

Matin première: Le choix de prendre le mot le plus répandu, ou au contraire le plus "original", le plus éloigné du français... au risque si l'attitude devient systématique, de ne plus être compris par personne.

L' Aberteke: Les textes littéraires wallons avec une recherche de mots originaux (par exemple du Henry Simon) ne sont non plus compris par personne, a moins d'un dictionnaire à côté. Mais pour les 300 dialectes de Wallonie, il faudrait 300 dictionnaires… qui ne seront jamais réalisés. Il y en "juste" a une petite vingtaine, plus quelques centaines de lexiques spécialisés. Ces documents sources sont très généralement inaccessibles au grand public. L'ensemble des mots consignés par écrit en wallon dans ce cadre (et celui de la littérature produite dans le même contexte) est déjà au moins d'un million. Cette somme est ingérable par l'esprit humain (qui "se débrouille" dans une langue avec 3000 mots), et à peine par les moyens humains qui permettraient d' encoder de telles données informatiques. A titre de comparaison, le dictionnaire "élargi" du français (couvrant tous les termes des français d'Afrique, Antilles, etc.) a 150.000 mots, et a demandé des ressources humaines importantes. Quid pour une langue qui n' a même pas 50.000 euros de budget annuel, toutes activités confondues ?

Le wallon normalisé repose, lui, sur une orthographe unique, donc seulement trois dictionnaires principaux: un wallon-français (ébauche de la base de données), un dictionnaire français-wallon (début), et un dictionnaire explicatif, travail considérable qui reprend également les principales formes dialectales. A titre d'information, l'équivalent néerlandais a demandé plus de 100 ans, et des ressources humaines et financières considérables.

Matin première: Pour ses adversaires, ce "rifondou walon", par trop artificiel, …

L' Aberteke: Toute langue écrite normalisée est toujours artificielle là où la connaissance de la langue est d'abord orale (demandez à des beurs de banlieue parisienne ce qu'ils pensent du français de Victor Hugo, ou des minutes de l'Assemblée Nationale). Notons en passant que le "rfondou walon" n'impose aucune contrainte à la langue orale.

Matin première:menacerait la survie déjà bien aléatoire des dialectes tels qu'ils sont effectivement écrits et parlés.

L' Aberteke: Le wallon normalisé ne menace pas la vie des dialectes. Au contraire, il leur donne une forme de référence supra-régionale, qui peut leur servir de support moral et technique. Exemple récent: les Flandres: les dialectes sont beaucoup mieux conservés dans l'oral (mieux que les dialectes wallons) en Flandre belge, où le néerlandais (qui est un flamand normalisé, un "rifondou flamind"), s'est répandu depuis plus de 100 ans. Par contre, ils sont déliquescents en Flandre française, où la seule langue supra-dialectale est le français.

Matin première: De leur côté, universitaires et dialectologues n'apprécient pas non plus.

L' Aberteke: L'opposition des dialectologues au wallon normalisé n'est guère compréhensible objectivement. On ne parle pas de la même chose: le "rfondou walon" est une langue écrite commune, qui ne peut se concevoir que dans le cadre d'un statut officiel, avec utilisation effective dans la Wallonie du 21e siècle. Les dialectologues s'occupent des formes orales (et littéraires) du wallon, principalement celles du 20ème siècle. L'un pose sur le monument "langue wallonne" un regard d'archéologue, voulant conserver un maximum de ses éléments en danger, même sous un aspect muséifié. L'autre présente un projet architectural, se basant en grande partie sur les travaux des premiers, pour réintégrer ce monument dans un projet de société "Wallonie 2050". Les deus activités sont plutôt complémentaires.

Matin première: (Le "rfondou walon" serait utilisé) à l'école, dans les media, dans l'administration, et puis aussi comme langue nationale à côté du français voire, pour les plus extrémistes d'entre eux, en lieu et place du français.

L' Aberteke: La langue wallonne commune ne portera pas ombrage au français (devenu la première langue de la communication orale en Wallonie depuis 50 à 70 ans), pas plus que la réhabilitation du gaélique n' a porté atteinte à l'anglais dans la société irlandaise.


Lettre à Elio Di Rupo

Transinne, le 11-03-2003

Mr. le Ministre,

Merci pour votre lettre du 05-03-2003 qui m'a fait grand plaisir.

Permettez-moi de vous expliquer brièvement ma vision de l'avenir de mon pays, la Wallonie, puisque vous demandez mon avis.

Comme je le déclare tout de go, il me semble que les petits états homogènes culturellement sont plus faciles à gérer que les ensembles hétérogènes comme la Belgique. La Wallonie, comme le Luxembourg, la Tchéquie, la Slovénie, l' Estonie ou la Catalogne, pourrait fonctionner sur ce modèle. Pour cela, il est impératif que les Wallons disposent de la gestion de leurs culture et de leur enseignement.

La plus grande diffusion, à tous les niveaux, de la langue wallonne écrite commune, li rfondou walon (encore appelé plaisamment " Algemeen Beschaafd Waals "; pourrait être une arme pour redonner à la Wallonie une âme qui lui fait parfois défaut, et ancrer sa reprise économique sur une assise culturelle solide.

Dans cette optique, je ne peux cautionner les propos démagogues de "solidarité" belge pour le partage de la SECU. Travaillons dès que possible sur une base économique correspondant au périmètre de la Wallonie politique. Nous éviterons les dérives rattachistes, et nous pourrons traiter plus sainement, en partenaires responsables et libres, avec la Flandre, Bruxelles, et le Grand Duché de Luxembourg, des entités voisines à notre taille.

Voilà, désolé de ne pas épouser vos vues, mais puisque vous me demandiez mon avis...

En vous félicitant de votre geste, je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de ma plus haute considération.

Lucien Mahin

P.S. Je serais prêt à quitter mes activités entrepreneuriales privées à l'étranger pour un poste de responsabilité pour la (re)diffusion de la langue wallonne normalisée en Wallonie. Parlez-en à vos collègues compétents en la matière.


Elections belges:

Les autonomistes peuvent-ils décemment s'allier aux rattachistes ?

Dans "Vivre en WallonieViker", on apprend que les rattachistes ouvrent leur listes aux autonomistes. Parmi ces derniers, de nombreux défenseurs de la langue wallonne.

Il faut rappeler ces données de base:

La France est parvenue a faire disparaître de nombreuses langues régionales, dont le flamand, dont on ne peut pas dire que c'est du français déformé.

Le wallon a complètement disparu des bouches dans tous les villages de la botte de Givet (encore wallonophone au 19e siècle). Il subsiste une vague connaissance passive chez certains historiens locaux. (voir le chapitre de J.F. Brackman dans "Ké walon po dmwin).

La langue wallonne ne pourra jamais devenir une langue nationale en France, alors qu'elle le pourrait en Wallonie (elle concerne 75 % de la population de la Wallonie politique, et elle a le même nom que le pays).

La langue wallonne ne peut être réhabilitée que par le biais de l' école. L' école ne l' acceptera que si elle "sert à quelque chose", c'est à dire que les employeurs, publics ou privés, souhaitent la voir figurer dans les curriculums. La seule justification, c' est la création d'un ciment humain wallon, par son (ré)-usage. Ce ciment humain rendra un désir aux Wallons de travailler pour leur pays, de consommer des produits du pays. Toute cette démarche est impossible en France.

Dès lors, expliquez-moi ce qu'il y a en commun entre un "raloyisse " (encore appelé péjorativment "ratelisse" en wallon) et les "dislaxhiveus" (autonomistes). Pour moi, ça a plutôt l'air de partis tout à fait antagonistes.

Edon ?


Concernant l'histoire des langues en Wallonie.

Concernant les langues pratiquées historiquement en Wallonie (un sujet tabou pour beaucoup de personnes politiquement engagées dans une ou l'autre vision sur l'avenir de notre pays), on peut affirmer les faits suivants:

La langue administrative (écrite depuis le 13ème siècle) s'unifie progressivement sur tout le domaine d'oïl (Nord de la France et Wallonie). Le "poids lourd" de cet ensemble est le dialecte qui s'impose progressivement à la cour de Paris. Il ne sera codifié que très tard (17eme siècle). Néanmoins, le picard a eu aussi une période de prépondérance. Par exemple : le CH picard dans des toponymes comme "Jauchelette" ou "Marchin", alors que les "vrais" noms (ceux prononcés sur place) sont Djåçlete et Mårcin.

Mais, après les formules admninistratives, c'est des mots (et même des syntaxes) authentiquement wallons que l'on retrouve dans les actes de basse-justice, inventaires de notaire, etc. et ce jusqu'en 1600. Entre autres choses, on y découvre certaines graphies qui ne se retrouvent nulle part ailleurs dans le domaine d'oïl, comme xh (Moxhet, Xhoffrai, Daxhelet) et ea (Barvea, Sarolea, Donea). Ces éléments permettent de qualifier d'ancien wallon cette langue des scribes en contact avec la langue orale des djins d' nos djins (gens de chez nous).

Quant à la noblesse et l'intelligentsia, ils écrivent souvent en français, mais d'autres utilisent l'allemand, aussi bien en principauté de Liège, que dans les Pays-Bas wallons. Par exemple, Nicolas Spirlet, célèbre abbé réformateur de Saint-Hubert.

Mais quelle langue parle l'immense majorité des Wallons ? Le wallon, qui est une entité linguistique définitivement établie depuis 1150-1200 (travaux de Louis Remacle). Ils continuent à la pratiquer pour 90 p. cent d'entre eux jusqu'en 1920 (Michel Francard). Le fait que cette langue disparaît de la communication orale en Wallonie en trois générations, alors que, paradoxalement s'affirment l'autonomie politique et l'identité culturelle de la Région, ne peut pas ne pas nous interpeler. Ce passage est douloureux, psychologiquement, la locution dans la langue maternelle devenant une tare. Cette auto-dénigration est parallèle à la régression économique. Elle est le fait d'un establishment belge francophile, d'origine flamande et wallonne, qui dit agir dans un but louable d'alphabétisation de la masse. Il diffuse sa propre vision de l'histoire linguistique, dont le credo est: "Le français a été choisi sans contrainte par tous les Wallons à partir du 13e siècle." (Félix Rousseau).

Il est remarquable que la wallo-locution s'est moins dégradée en Wallonie malmédienne, qui est restée plus de 100 ans sous un régime politique où le français était une langue pourchassée au même titre que le wallon.

Tous ces phénomènes n'ont jamais fait l'objet d'une étude historique socio-linguistique détaillée.

Sachant qu'aucun " dialecte " de Wallonie n'est plus transmis par voie orale en 2003, sauver par l'écrit 300 "parlers", avec un lexique minimum de 3000 mots qui s'écrivent différemment d'un village à l'autre, est manifestement une tâche impossible. D'où l'idée qui s'est développée que le seul salut est une forme écrite commune (orthographe pan-wallonne), grâce à laquelle les différents accents pourront être valorisés. On y réutilise, entre autres, certaines graphies de l'ancien wallon (xh et ea). Pour plus d'informations: li waibe do rfondou walon.

L'ABN (forme écrite commune des flamands) a moins tué les dialectes flamands de Flandre belge que le français ne l'a fait par rapport aux dialectes flamands de Flandre française.

L'appui moral que donnerait l'existence d'une forme noble, supra-dialectale aux locuteurs des différents accents du wallon valoriserait chaque accent régional, alors qu'actuellement, le sauvetage (par le théâtre et la littérature) ressemble plutôt à un embaumement et une mommification.

Enfin, le picard pourrait effectuer la même démarche sur l'ensemble du territoire de la Picardie linguistique.


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