Waldim 14

Contribution à la formation du wallon de demain.

Po-z aidî li walon did dimwin skepyî?

 dierin rapontiaedje - last update: 2004-06-12.

Le symbolisme des sons et la création de néologismes.

L'Estonie est le plus petit des pays baltes. Avec son petit million et demi d'habitants, dont plus de 40% de russophones, c'est une nation intéressante à comparer à la Wallonie au point de vue de défense des langues nationales minorisées. En effet, les Estoniens ont toujours été la proie de leurs puissants voisins, Russes et Allemands entre autres. Comment, dans le climat politique hostile de l'annexion soviétique (1941-1991), les Estoniens ont-ils pu créer une langue moderne à partir de leurs dialectes?

L'estonien fait partie du groupe des langues finno-hongroises, les seules langues d'Europe - avec le Basque - qui n'appartiennent pas à la famille indo-européenne. L'existence de mouvements de planification linguistique (di linwe-ehåyaedje) en Finlande et en Hongrie a sûrement influencé l'attitude des Estoniens envers leur patrimoine linguistique. Mais un des éléments-clefs a certainement été l'intervention d'un homme. Il s'appelle Aavik et peut être considéré comme un des génies universels en ce qui concerne la création de néologismes.

Mon Diu todi! Bén vo l' la bén evoye après l' Estoneye, wai, asteure! Ås cwate cints diales lon! Dji m' dimande on pô! Est i possibe, bén seur ?! Cwè çki l' walon a bén a vey avou ces djins la ?

Peut-être plus que vous ne le pensez. D'abord, l'Estonie, par mer ou par terre, n'est pas plus éloignée de la Wallonie que le Portugal. Les Wallons et les Estoniens ont été les voisins d'un même pays, la Prusse, qui en a même occupé des parties. La noblesse féodale des deux régions était de culture germanique. Les deux pays sont entourés de puissants voisins, avec qui il n'existe pas de frontière naturelle.

Tenez, rien que le nom "Aavik" montre que nous possédons au moins un phonème original en commun, le a vélaire, å (li A-bole, on A avou ene pitite bole o dzeus, 'å'), transcrit ici aa. Ce å a été proposé précocement comme betchfessî scrijha (graphie interprétative) représentant å a au (comme dans åbe arbe aube). Ce faisant, les pères de la normalisation wallonne ont eu un trait de génie: ils permettaient ainsi à tous les Wallons d'utiliser cette "mascotte graphique" qui différencie leur langue des autres langues latines. Ce å existe également en danois, où il s'appelle 'A bole'. Ceci nous rappelle également notre parenté lointaine avec les peuples scandinaves, par l'intermédiaire des Cimbres. Ceux-ci, partis du nord du Jutland (Danemark), s'installèrent dans nos régions au 1er s. av. JC. Les Trévires que trouva César dans l''Arduenna sylva' (la forêt ardennaise), étaient leurs descendants immédiats.

Pocwè aler hanter avou les Tîxhons, louke, asteure ? Dji savans bén tertos ki l' walon, c' est do latén k' a vnou a pî del Moyinådje. Julos Beaucarne l' a bén dit.

Parce que, justement, s'il veut exister en tant que langue propre de la Wallonie linguistique (li Walonreye), le wallon a intérêt à cultiver ses parentés germaniques (allemande, flamande, scandinave) et celtiques (bretonne, galloise). En effet, un rééquilibrage de l'influence latine, qui a été sur-représentée, tant dans la langue courante que dans son étude, ne lui ferait aucun mal.

Mins, dji zoupele d'one coxhe so l' ôte.

Revenons à Aavik.

Pour créer ses néologismes, il utilisait également les procédés classiques: les noûmots d' aparintadje, d' aplacaedje, d' eprontaedje eyet di stindaedje do sinse (HEN 3) (MAH 5).

Néanmoins, il passait ensuite les mots ainsi formés au crible d'une autre technique: le symbolisme des sons (li sinsiåvisté des sounances). Parfois, il utilisait cette technique avant les autres, choisissant d'abord ses sons, pour voir ensuite s'il pouvait les faire coïncider avec un dérivé, un composé, un emprunt.

Li sinsiåvisté des sounances, k' est çki c' est co d' ça po ene sacwè?

Dans toutes les langues du monde, certains sons sont inconsciemment liés à certaines sensations, certains effets. Ces associations peuvent être universelles, ou particulières à une seule langue (TAU 1). Voyons-en quelques-unes, avec naturellement des exemples en wallon.

1. Le symbolisme des voyelles frontales ( li sinsiåvisté des wîclantes)

 

Les voyelles frontales (les dvantrinnès voyales, u les wîclantes, anfin), sont celles qui se prononcent avec la partie antérieure de la bouche. En wallon et par ordre décroissant de wîclantisté, nous retiendrons: î, û, i, u, ê, é, è, u, ë (eu). Les voyelles frontales sont opposées aux voyelles profondes (en anglais 'back vowels'), formées au niveau de la gorge. Nous en reparlerons.

Dans toutes les langues du monde, les voyelles frontales sont associées à des sensations de: sonorité aiguë, situation en hauteur, petite taille, minceur, aspect tranchant, vitesse, légèreté en poids, couleur vive, proximité, aspect tendu. Le tableau 1 donne quelques exemples en wallon, dans les mots classiques et les néologismes.

 

Tåvlea n° 1: Sacwants egzimpes di sinsiåvisté des wîclantes e walon.

Tableau n° 1: Quelques exemples de symbolisme des voyelles frontales en wallon.

Afja/Effet

Vîs mots ( Mots classiques)

Noûmots ( Néologismes)

sonorité aiguë

wîcler; wîkèlrîye ( concert de cris perçants), tûter, tûtrîye (concert de Klaxons)

wîclant (aigu: son ~  ); wîclante (voyelle frontale), wîclantisté (symbolisme des ~  )

 

tchîper, tchîptîrîye (concert de piaillements)

tchîpta (râle piaillant, crise d'asthme)

 

hikète, i hictîye > i hictèye

hicta (soubresauts)

 

hûler > hoûler, ahûlrîye > ahoûlrîye (cacophonie)

 
 

tchûler > tchoûler, tchûlrîye

 
 

xhîlter, xhîtèlrîye (concert de tintements métalliques)

xhîlta (bruit métallique à l'auscultation des bovins)

Situation

cîr > cièl

cîr-sicrèpeû (gratte-ciel), cîr-nêveû

en hauteur

pîrtche (mirador) pîrce (perche pour charretée de foin) > pérce

(astronaute), cîryin (extra-terrestre), cîrin (spatial)

 

houpî (cime d'un sapin)

 

petite taille

one pitite fine comére, raptiti

p(i)titisté, raptitixha (= maquette, miniature)

 

li ptite tchipète (la benjamine)

spirou (bande dessinée)

 

tchike (petite bille) > maye

tchike ( 'puce' = microprocesseur)

 

diminutifs en -ia > -ê (petites choses)

rabiazète (beauty-case = valise de maquillage)

 

one pitite soris, one mizrète

racoûrti ( résumé), acoûrti (concis)

minceur

sètch come on côp d' trike

 
 

amwinri

 
 

rawîjé (= aiguisé = veau maigre)

 

aspect

rawîjhadje (aiguisage), awîye> awèye

 

tranchant

piker

i pictîye (il poinçonne);

piquant

cîle, sîye (faucille) > sèye

pictîmédieû (acuponcteur)

vitesse

tiper (jeter d'un coup sec une charge sur le côté)

scrîyrèce (imprimante)

 

(s)chiper (glisser entre les doigts)

 
 

vite-vite, xhite (diarrhée)

 
 

spirou, skiron (écureuil)

spirou (dessin animé)

légèreté

lèdjîre come one plume

 

couleur

solia > soya > solê > s(o)lo

 

vive

lûre, lumîre, clér

lumîristé > lumance (luminosité)

 

nute < nêt < nût < nutîye

cléristé > clêrté 

proximité

ciddé, voci, droci > chal

 
 

piti, piti, piti (appel aux poules)

 
 

d(i)lé > à costé di

 

aspect tendu

i tinkîye

tinkyisté (tension nerveuse)

     

2. Le symbolisme des voyelles profondes (li sinsiåvisté des låvådes)

Les voyelles profondes (en anglais 'back vowels') (les drîtrinnès voyales, u les låvådes, anfin) sont en wallon et par ordre décroissant de låvådeur: å ( â au), ô (  oû ôn), on, an, oû, eû, a, o, ou.

Les voyelles profondes sont associées à des sensations de: sonorité grave, largeur, étendue, grosseur, 'dullness', (c'est-à-dire une association de lenteur, stupidité, aspect triste et terne), lenteur, éloignement, aspect lourd, situation basse, couleur sombre, état durable, état relâché. Le tableau 2 donne quelques exemples de cette association dans des mots wallons, classiques et néoformés.

 

Tåvlea n° 2: Sacwants egzimpes di sinsiåvisté des låvådes e walon. Tableau n°2: quelques exemples de symbolisme des voyelles profondes.

Afja (effet)

Vîs mots ( Mots classiques)

Noûmots ( Néologismes)

     

sonorité

rôguia, (extinction de voix)

rôguiadjes (râles à l'auscultation)

grave

ronfladje

one grosse vwès

avu l' ronfla (être atteint de ronflements)

     

largeur,

lådje, pattavå

 

étendue

pâr (c)(s), pôr (e) (entièrement)

 
 

å lådje (ouvert)

 
     

grosseur,

gros, crås come one lote

cråssès lètes (caractère gras)

embonpoint

ståreûse à ansine, tchår >> tchèrète

sârma (supermarché)

     
 

badou (outre, terme enfantin pour 'ventre')

 
     

'dullness'

båyåd, ågne, moya

båyådeûr (torpeur)

   

ågneler (ânonner)

     

lenteur

lumeçon, scârbote (géotrupe, bousier)

 
 

lonziner (traîner), balje (hanneton),

lonzinåd, baljner

 

ôw! tot ds!

 
     

éloignement

låvå (là-bas au loin)

låvåde (voyelle profonde); låvådr(symbolisme des voyelles profondes)

 

lon, là

lon-sovna (mémoire ancienne)

     

aspect

pèzant, i fwêt des kilos

 

pesant

on gros pachon (un gros bâton) < >

one pitite fine trike

 

i fwêt malåde (temps lourd, orageux)

 
     

situation

parfond, cåve

cåve (= grotte)

basse

vå ('val' dans les toponymes)

 
 

låvå (là en bas)

pjhadje à pètrole (forage pétrolier)

 

pjhî

pjhåvès êwes (nappe phréatique)

     

couleur

bryârd

 

sombre,

nwârr, cåve

cåve (= grotte)

terne

sblari (pâleur)

sblarixhr (anémie)

     

durabilité

lontins, djrmåy, sins låker

pârdèrant (éternel, chronique)

     

état relâché

låtchî (libérer un animal attaché)

dislåtchoz-vos, Bruno (Relax, Max.)

 

tumer flåwe (s'évanouir), fåteuy

(as)chtoz vosse boutrle (yoga) (= écoutez vos plexus = état relâché)

     

 

 

3. Application du concept en normalisation (Uzaedje di cite atuze la pol rifondadje)

Une lecture attentive du tableau nous fait déjà entrevoir une autre application de la sinsiåvisté des sounances: c'est d'inclure cet élément dans les critères de choix des formes normalisées. Ainsi, pour le suffixe '-ê/-ia', la forme '-ia' me semble plus propice au symbolisme de petitesse que la forme '-ê'. D'ailleurs, la graphie interprétative (bètchfèssé scrîja) '-ea' , se lira plus volontiers '-ia' que ''. Je l'ai expérimenté moi-même depuis que j'utilise le rfondou walon dans mes notes professionnelles: 'vea, åmea (taurillon), pea' se laissent plus facilement transformer en 'via, åmia, pia' qu'en 'vê, åmê, pê'. Dans le cas où on ne retiendrait pas le bètchfèssé scrîja, il faudrait peut-être alors normaliser au cas par cas. On retiendrait de préférence '-ia' pour les choses effectivement petites (via, åmia), belles (bia) ou de couleur claire (solia). On pourrait alors préférer '' pour les mots évoquant les caractéristiques inverses comme la grandeur (tchèstê, torê, grand djonnê, tropê), voire les mots 'neutres' (). Le choix de '-ia' dans tous les cas déséquilibrerait l'importance des différentes régions dans la normalisation.

Le symbole > utilisé dans les tableaux indique d'autres cas où une variante régionale correspond mieux à l'effet recherché qu'une autre. Aavik a également utilisé cette possibilité dans la normalisation de l'estonien.

Un exemple d'utilisation du concept dans la création de néologismes? Pour traduire 'imprimante', nous partons tout naturellement de la racine 'écrire', à laquelle nous ajoutons le suffixe '-rèce', que nous affectionnons pour les petites machines. Le radical 'écrire' se présente sous trois formes en wallon: 'scrîj-, scrîy-' et 'scrîv-'. La forme 'scrîj-' est majoritaire et nous a servi pour plusieurs néologismes {graphie / scrîja} {texte / scrîjea}, {transcription / r(i)scrîjadje). Néanmoins, dans scrîjrèsse on a une succession 'j-r' qui me semble beaucoup trop râpeuse pour une machine dotée de rapidité et de légèreté: 'one sicrîjrèce, ça rape, c'est grèvleû, c'est rèche, ça scrèpe li papî. One sicrîyrèce, ça tipètape des ptitès finès lèdjîtès lètes. Av ben vèyu l' cayèt, asteûre?

Mais, dans ce cas, le symbolisme des consonnes joue autant que le symbolisme des voyelles, ce dernier étant seul l'objet de nos réflexions d'aujourd'hui. Revenons donc à nos moutons.

 

Le tableau 1 présente de nombreux exemples de suffixes en -rîye. Au fait, ce suffixe, en wallon, se rencontre dans deux types de mots:

- des mots où il a un sens nettement péjoratif, comme les cris stridents des exemples du tableau 1.

- des mots, forts différents, où il désigne un établissement ou une profession.

Si la variante -rîye convient parfaitement pour la première catégorie, elle est totalement inadéquate pour la seconde. Nous ferons donc appel au suffixe est-wallon équivalent -rèye.

Le tableau 3 montre des exemples de mots normalisés avec chacun des suffixes en question.

 

 

Tavlea n°3 Rifondowes avou -rîye eyet avou -rèye (vîs et noûmots).

Tableau n°3: Normalisation en -rîye et en -rèye (mots classiques et néologismes)

Rifondowes avou l' cawete '-rîye'

Mots en ' -rîye'

Rifondowes avou l' cawete '-rèye' Mots en '-rèye'

   

1. Cris aigus et désagréables

1. Bâtiment spécialisé

wîkèlrîye, ahûlrîe, bawîrîye, miyâwrîye, tûtrîye, tchîptîrîye, xhîtèlrîye, bwâlrîye, gueûyrîye, crîyrîye (concert de cris stridents, de hurlements, d'aboiements, de miaulements, de coups de klaxons, de piaillements, de bruits de chaîne, de beuglements; engueulade, cris)

lêtrèye (laiterie), lècearèye (usine de lait), poytrèye (poulailler industriel), crinmerèye (crémerie, marchand de glace), bwêyrèye (pressing, nettoyage à sec), bolèdjrèye, farmacerèye, botchrèye, acîrèye (aciérie), siroprèye, såcissonerèye (charcuterie, salaisons)

   

2. Objets de peu de valeur

2. Profession

cacayrîyes, troûyrîyes, tchîrîyes, miscotrîyes

caramèlrèye (confiserie), parfumerèye, sinbontrèye (parfumerie), fwadjrèye

 

(sidérurgie)

   

3. Désordre

3. Champ de culture spécialisé

c(o)maxhrîye, boticrîye, ècramîrîye, comèlrîye, apoticrîye

trucrèye (champ de pomme de terre, exploitation de truffes)

   
   
   

4 Choses, comportements déconsidérés

4. Secteur technologique spécialisé

ècaytîrîye (accoutrement ridicule), roufroufrîye (comportement rustre), walonerîyes (cours de wallon vus par ses opposants), spèpieûzrîye (tracasseries administratives), tchictîrîyes (hésitations), racapinsrîyes (tergiversations) balzinerîyes (atermoiements), toûrpinerîyes (faux-fuyants), lonzinerîyes (lenteurs administratives), catûzrîyes (élucubrations)

indjolerèye (hardware = matériel informatique), cotûzrèye (software = ensemble des logiciels)

 

5. Ensemble géographique spécialisé.

5. Agents nuisibles, toxiques

 

rawîrîye (ensemble des rongeurs nuisibles), chimicrîye (produit chimique toxique), saloprîyes.

Walonerèye (Wallonie linguistique)

   

 

Prenons maintenant l'exemple du mot 'nuit' (carte ALW 3.47). Trois candidats sérieux se disputent le titre de rifondûwe: nute (nut'), nêt et nût. Chacun a ses arguments: nute est nettement majoritaire; nêt est central; nût suit la loi des séries (dispûs, lûre, si c(o)dûre). Comble de malchance: toutes ces formes possèdent des voyelles frontales, censées symboliser la lumière, alors que l'effet recherché est l'obscurité. Il faudra donc choisir la forme la moins wîclante qui me semble être nute.

4. Choix d'une forme régiolectale pour la création de néologismes. (Relijhans ene disfondowe po z-askepyî des noûmots).

Pour créer des néologismes concernant l'espace, je veux utiliser une des variantes régiolectales de 'ciel'. Le wallon n'est pas très riche en la matière: ciél, cièl, cîr. Ce dernier a l'avantage d'être original et sera sûrement retenu comme forme normalisée. Il a un autre avantage de taille: il possède la plus wîclante des voyelles frontales, î, très propice pour créer une impression de position en hauteur. J'avais trouvé le premier néologisme de cette série chez Albert LALLEMAND: {gratte-ciel / cîr-sicrèpeû} (LAL 1). L'auteur suivait la structure anglaise de 'sky-scraper', les mots wallons étant étrangement similaires. Mais pouvait-on créer des néologismes en utilisant l'ordre 'déterminant-déterminé', ordre qui n'est plus productif en wallon depuis de nombreuses décennies? Ce cas me semblait très propice à la renaissance de quelques mots à 'ordre inverse'. En effet, les règles de l'épenthèse faisaient apparaître une nouvelle voyelle frontale: le i épenthétique de sicrèpeû. Va donc pour cîr-sicrèpeû! Et que pensez-vous des autres néologismes sur ce modèle qui ont adrameté dans mon esprit un soir de tûzinadjes:

Tåvlea n° 4: Noûmots d' aparintaedje eyet d' acolaedje avou 'cîr'  Tableau n° 4: Néologismes dérivés et composés de cîr.

Li scret

Mot francès

Tchamp

Mot walon

       

LM305 P14A

vol spatial

astronautique

cîr-nêvadje

LM305 P14B

navigation spatiale

astronautique

cîr-nêvance

LM305 P15

navette spatiale

astronautique

cîr-nêvète

LM305 P18A

astronaute

astronautique

cîr-nêveû

LM305 P18B

cosmonaute

astronautique

cîr-nêveû

LM305 P19A

vaisseau spatial

science-fiction

cîr-nêvia

LM305 P20A

astronautique

astronautique

cîr-nêvince

LM305 P21B

ingénieur en astronautique

astronautique

cîr-nêvincieû, -se

AL008

céleste

général, religion

cîrin

AL008 LMB

spatial

général

cîrin

AL024

gratte-ciel

général

cîr-sicrèpeû

LM---

extra-terrestre

science-fiction

cîryin

       

 

 

5. Choix de synonymes pour la création de néologismes. (Comint relire eter rishonnants po z-askepyî on noûmot?)

Je veux créer un néologisme pour désigner le microprocesseur, l'unité de base d'un circuit informatique. Je considère qu'on peut le comparer à une bille. En effet, c'est une simple série de microprocesseurs, comme des billes dans leur boite, qui forme les circuits imprimés des mémoires d'ordinateur. Pour 'bille', j'ai le choix entre maye et tchike. Ces synonymes, en rfondou walon (wallon commun), peuvent provenir de régions différentes, comme l'exemple classique 'sale = måssî = mannèt = niche = yôrd'. Dans ce cas, maye provient de l'est et tchike du sud. Pour mon néologisme 'microprocesseur', je prends sans hésiter ce dernier synonyme, parce qu'il possède une voyelle frontale suggérant petitesse et rapidité. On a donc {microprocesseur / tchike}. Je serai content de constater par la suite que l'anglais 'chip' et le français 'puce (électronique)' sont aussi des mots monosyllabiques possédant des voyelles frontales. Les grands esprits se rencontrent.

Maintenant, créons un néologisme pour 'criquet pèlerin'. 'Criquet' peut être traduit en wallon: crikion; cok d'awousse; potcha. Cok d'awousse est à écarter d'emblée, car il suggère une saisonnalité limitée géographiquement, et très différente de celle de nos criquets pèlerins. Restent crikion et potcha. Si on applique li sinsiåvisté des voyales, on constate que 'on crikion, c'è-st-one pitite bièsse ki tchîptîye è l'èsté, èyet kétfîyes, dji loume mi ptit valèt 'mi ptit crikion'. On potcha, c'est gros, ça potche et ça pôreut co rade avorer pa gros tropês, èt galoufer les cultùres.'

Mon choix se porte donc tout naturellement sur potcha

Pour 'pèlerin', j'ai le choix entre pèlrin et un archaïsme pléråd . Il me semble que 'on pèlrin, il è va è pèrlinadje à Biarin (Beauraing). I partèye å matin avu l'ôto, èyet i rvint al nute. Il a mètu ses bias mousmints d' dîmègne. Les feumes ont mètu des pèlrines. Les pléråds, c'è-st-ôte tchwè: c'est des grands fwârts omes avu des longuès brunès cotes, må acaytés. I sont tote one binde, èt i rotèt lon, lon. Mètans: di Reims à Sint Yubêrt, udon di Bouyon à Jèruzalèm avu Pîre l'èrmite. Et todi rote èt todi rote pattavå les crèsses èt les vås'

Mon choix est de nouveau clair: pléråd, avec sa voyelle profonde, suggère de lointaines migrations d'une foule de personnes robustes. On aura donc le néologisme {criquet pèlerin / potcha pléråd }ou { / pléråd potcha}.

 

Voulez-vous un dernier exemple?

Je dispose de deux synonymes pour exprimer la notion de 'faire pénétrer': tchôker et stitchî / stikî. Lequel utiliseriez-vous pour créer le néologisme 'affixe', c'est-à-dire un petit groupe de lettres qu'on fait pénétrer dans un mot? Et 'agressivité commerciale', où il faut faire pénétrer tout en finesse une idée dans la tête du client? Lequel, par contre, utiliseriez-vous pour créer des néologismes pour: sodomie, 'sodomisation', sodomite (celui qui pratique la sodomie)? Ici, le symbolisme se rapporte à des choses grosses, obscures, en position basse. Je suis sûr que si vous avez bien assimilé li sinsiåvisté des sounances, vous allez construire les mêmes néologismes que moi.

 

Tåvlea n° 5: Sacwants noûmots avou 'tchôker' eyet 'stitchî / stikî'

Tableau n° 5: Néologismes construits à l'aide de tchôker et stitchî / stikî.

 

Li scret

Mot francès

Tchamp

Mot walon

       

LH025

affixe

linguistique

stitchète

LH025 P1

infixe

linguistique

stitchète-sititchète

LH025 P2

agressivité commerciale

économie

astitcha

LH025 P3

agressif commercialement

économie

astitchant

LM547 B

valider (une commande sur ordinateur)

informatique

stikî

LM547B P1

touche de validation

informatique

tape di sticadje

       

LM309B

sodomie, 'sodomisation'

sexualité

fortchôcadje

LM309B P1

sodomiser

sexualité

fortchôker

LM309B P2

sodomite, 'sodomisateur'

sexualité

fortchôkeû

 

 

 

6. Spécialisation de certains suffixes pour la création de néologismes. (Des cawetes ki ça dvént leu mestî, po-z askepyî des noûmots)

 

Nous avons déjà vu le cas de '-rîye / -rèye'. Mais il n'est pas unique.

Prenons par exemple le cas des suffixes '-ûle / -åle'. Pas très courants comme suffixes, je suis d'accord avec vous. Ils ont un sens strictement similaire: 'qui fait l'action' . Påjhûle: qui apaise = calme; êdûle: qui aide = serviable; hodåle: qui fatigue = fatigant; amåle: qui épuise = importun. Avez-vous constaté que les mots spontanés en '-ûle' sont agréable et les mots en '-åle' sont désagréables. Ceci cadre parfaitement avec le symbolisme synthétique des voyelles frontales (-ûle), qui expriment des sensations se rapprochant de la gaieté (on ptit spitant). Par contre, les voyelles profondes (-åle) se rapprochent globalement de la désolation (disbåtchance; taper al diljhe). Cette distinction peut nous être très utile dans la formation de certains néologismes.

Tåvlea n° 6: Noûmots avou les cawetes '-ûle' eyet '-åle'.

Tableau n° 6: Néologismes formés à l'aide des suffixes '-ûle' et '-åle'

Cawete '-ûle' Suffixe '-ûle'

Cawete '-åle' Suffixe '-åle'

   

hagnûle: caustique, acerbe

hagnåle (chimie) : caustique

k(i)hossûle (physique): sinusoïde, tracé ondulaire

cahossåle: branlant; hossåle: indécis; k(i)hossåle: versatile

vèrdjûle (mathématique): courbe

vèrdjåle: vénal, corruptible

astchèyûle (mathématique): variable aléatoire

 
   

 

Reprenons maintenant les adjectifs indiquant une caractéristique associée à une voyelle wîclante. Les substantifs dérivés de ces adjectifs ne se formeront-ils pas mieux avec le suffixe '-isté'? A l'opposé, les adjectifs suggérant une propriété symbolisée par des voyelles låvådes, ne se dériveront-ils pas mieux avec les suffixes '-eûr' ou '-ance' (Tableau n° 7)?

 

Tåvlea n° 7: Les cawetes acawêyes a des addjectifs '-isté', '-eûre' eyet '-ance'

Tableau n° 7: Les suffixes d'adjectif '-isté, '-eûre' et '-ance'

Wîclantisté / låvådeur

Cawete '-isté'

Cawetes '-eûre' eyet '-ance'

clair / sombre

cléristé > clêrté >> clårté

nwâreûr, s(i)pèxheûr

intelligent / bête

sûtisté

båyance

petit / grand

p(i)titisté

grandeûr

maigre / gras

mwinristé

cråxheûr, s(i)pèxheûr

étroit / large

streutisté

lårdjeûr

miséreux / opulent

pôvristé, pitiveûsté (indigence)

 

avare / généreux

tchitchisté, pîce-crossisté (avarice)

lårdjeûrs (largesses)

fanatique / tolérant

fî-streutisté d'idêyes (fanatisme), puriveûsté (purisme), ascatisté (extrémisme)

lårdjeûr d'idêyes (tolérance)

vif / lent

spitantisté, fèlisté, ajilisté, subtilisté, rapidisté

båyance (apathie), halotchance (asthénie), doûceûr (lenteur), lonzinance (paresse ), flèmeûr, flèmârdeûr, prandjleûr (torpeur), moleûr (mollesse), pèzanteûr (temps lourd)

récent / ancien

dêrinisté (toute dernière nouveauté)

halcrosseûr (désuétude, décrépitude)

haut / bas

cîristé (spiritualité), grandiveûsté (orgueil)

parfondeûr

léger / pesant

lèdjîristé

pèzanteûr

tendu / relâché

tinkyîsté (tension nerveuse)

alåtchance (relaxation)

     

 

Mais ma réflexion la plus inattendue concernant le symbolisme des suffixes provient de l'observation de certains suffixes créant des adjectifs dérivés des adjectifs de couleur. J'ai essayé de les systématiser au niveau du tableau 8, en partant des suffixes suggérant une couleur bien marquée, vive pour les couleurs claires, vers des suffixes conférant une impression de couleur terne, pâle, délavée.

Tåvlea n° 8: Coleurs aclaireyes et sinsiåvisté des cawetes des addjectifs di coleur

Tableau n° 8: suffixes d'adjectifs de couleur

Couleur

vive >>>>>>

>>>>>>>>>>>>

>>>>>>>>>>>

Couleur terne

Participe passé

Suffixes en '-isse', 'ia/-ê', '-èt, -ète', ...

Suffixe en '-ède'

Suffixe en '-iasse', '-inasse'

Suffixes en '-åd', '-asse'...

riblantchi

 

blantchède (vache blanche)

blantchinasse, blankinasse (blanc grisâtre)

blantchåd, blancâte (blanchâtre)

rodji

les rodjètes (la rougeole); li rodjèt (le rouget du porc)

rodjède (vache rouge)

rodjinasse (rouge pâle)

rodjåd, rodjasse (rougeâtre, rouge délavé)

ravèrdi

vèrdin (verdier commun: oiseau)

 

vèrdinasse (vert clair)

vèrdasse (verdâtre, vert délavé)

bleûwi

bleûwèt (fleur)

bleûwède (vache pie-bleue)

bleûwiasse (bleu clair)

bleûwasse (bleuâtre, bleu délavé)

djåni

djånisse (ictère franc)

djånède (jument de robe 'isabelle')

djåniasse (subictérique)

djånasse, djènâte (jaunâtre)

rossi

rossea, roslèt, -ète; lu Rouslèt

rossède (jument baie claire)

rossinasse (entre blond et roux clair, espagnol rubio)

rossåd, -åde (roussâtre)

bruni (bronzé)

brunèt, -ète, Brunèt

brunède (jument alezane)

bruniasse (brun clair)

brunåd (brunâtre); brunasse (ocre jaune, brun délavé)

   

grîjède (jument rouanne)

grîjiasse (gris clair)

grîjåd (grisâtre)

 

morê, Morê (au teint de charbonnier)

morède (jument alezan brûlé, fille basanée)

   

rôzi

Rôzète

 

rôzinasse (rose pâle)

 

 

 

Parmi les surprises de ce dernier tableau figure le suffixe '-ède'. Il a été proposé par LALLEMAND (LAL 1) dans deux cas, qu'il juge orthographiés à tort '-ète'. Il s'agit d'abord des adjectifs de couleurs spécialisés repris ici. Le second cas s'applique aux noms de forêts (ou plutôt de petits bois) constituées d'une seule essence: bôlède, såcède, tchåmerède, sapinède, spinède (bois de bouleaux, de saules, de charmes, de sapins, d'aubépine). Mais ceci est hors sujet.

Un autre cas semblable est la restauration du graphe '-åd' et de son féminin '-åde', très souvent transcrits '-åte' (rossåte), par analogie avec le suffixe français '-âtre'.

J'aurais voulu vous entretenir de beaucoup d'autres choses concernant le symbolisme des sons, notamment les formations onomatopéiques et le symbolisme des consonnes.

Dji vos åreu co bén volou conter mwintès ôtès afwaires, di-dju, mins i våt mî on bea ptit scrîjia ene miete acourti ki des mo longuès pådjes di pezant tapadje (tapadje = le fait de taper à le machine = dactylographie). Co pus rade cwand l' solia lût des cwate costés


Lucyin Mahin, Li 26 di djulete 1994 (nén eplaidî).


 Hay ervoye al mwaisse-pådje.

 Qué walon po dmwin ? 1.

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