Qué walon po dmwin ?

 dierin rapontiaedje - last update: 2005-12-23.

Les mots nouveaux en wallon : étude de marché, recherche et développement, diffusion du produit fini, feed-back clientèle.

par Lucien Mahin.

(extrait de : "Qué walon po dmwin").

Le travail de rénovation du wallon commencé au début de cette décennie a deux buts principaux. Tout d'abord, il s'agit d'établir une langue wallonne écrite commune, li rfondu walon, pour permettre aux Wallons d'envisager, par exemple d'éditer un roman en wallon à plus de 500 exemplaires. Ou de faire inscrire une notice symbolique en langue wallonne à l'Euro-Space-Center de Transinne, à côté des inscriptions en français, néerlandais, anglais et allemand. Le second but est de pouvoir parler de tous les sujets qui concernent la vie quotidienne des Wallons de 1999. Pour ce faire, il faut recueillir ou créer, puis tester, et ensuite diffuser les néologismes indispensables.

Dans quels domaines ?

Dans quels domaines faut-il avoir un vocabulaire wallon abondant ? Dans tous les domaines, allant de la médecine à la biologie, en passant par l'informatique, la finance, l'agriculture, la psychologie, l'aéronautique, l'histoire, la géologie, et j'en passe.

Des réserves ont été émises concernant l'utilité de l'extension de la langue wallonne à certains domaines 'nouveaux'. Bien sûr, pour parler de la conductivité des céramiques supra-conductrices quand on s'éloigne du zéro absolu (0 Kelvin = -273° Celsius) ou encore de l'intérêt des primary dealers pour les obligations souveraines libellées en US dollars avec possibilité de swap en Deutsch Mark, on n'aura probablement pas recours au wallon, peut-être même pas au néerlandais, ni au français.

Disons donc que le vocabulaire wallon doit être du niveau d'un bon journaliste quand il aborde des domaines dont le grand public peut acquérir une connaissance générale.

Quand on me demande s'il y a des domaines à privilégier, je réponds immanquablement : l'informatique, pour pouvoir parler en wallon de notre moyen de communication le plus performant, la linguistique, pour pouvoir énoncer en wallon les problèmes techniques concernant le développement de notre langue, et ensuite la sexualité et la puériculture, car quand le wallon s'établit là-bas, les points comptent double.

Mais au fait, ce sont les Wallons de 2020 qui choisiront les domaines où il leur plaira de réutiliser la langue wallonne. Ce sont eux qui verront si nos propositions pourront leur être utiles.

En attendant, quels domaines intéressent le plus les Wallons de 1999 ? Ce qui revient en quelque sorte à faire :

Une étude de marché.

Avant d'envisager la création et la diffusion de mots nouveaux, il faut en effet être convaincu de leur utilité. C'est-à-dire, voir si les Wallons ressentent le besoin qu'on discute en wallon dans des domaines comme la linguistique, l'informatique ou l'astronautique.

Nous allons donc changer légèrement la question. L'ancienne était : " Dans quels domaines les intellectuels wallonophones doivent-ils proposer des néologismes ? " La nouvelle est posée à des locuteurs de wallon : " Pensez-vous qu'il soit possible de parler en wallon de... ? ".

Dans ce but, nous avons réalisé un petit sondage en 1994, lors de notre première ritrovinne di rdjåzeus d' walon (rencontre-retrouvaille avec conversations en langue wallonne). Les participants ont reçu questionnaire contenant 25 sujets pour lesquels on leur demandait : " Pensez-vous qu'il soit possible de parler en wallon de. ? ".

Voici les sujets et les réponses données :

Peut-on parler en wallon de...

Nombre de réponses sur 21

   

oui

non

 ?

1

L'organisation du ramassage des ordures ménagères.

18

1

2

2

Les techniques de recyclage du verre récupéré par ramassage sélectif.

13

1

7

3

L'aspect des sapinières sous l'effet des pluies acides.

16

4

1

4

L'enseignement à l'école primaire d'une langue autre que le français.

21

0

0

5

le fonctionnement d'un moteur 2 temps.

12

4

5

6

Le financement des partis politiques.

15

4

2

7

Les abus de la sécurité sociale (faux handicapés).

18

2

1

8

Les causes du génocide au Rwanda.

18

3

0

9

La nouvelle réglementation sur la tenderie.

21

0

0

10

La prévention de l'anémie chez la femme enceinte.

12

4

5

11

La technique d'emballage des bottes de foin préfané.

20

1

0

12

Les programmes de traitement de texte sur ordinateur.

12

6

3

13

Le contrôle des parents sur les émissions télévisées regardées par leurs enfants.

18

3

 

14

Le choix de placement à terme, ou l'achat d'actions ou d'obligations pour gérer la petite épargne.

13

6

3

15

Les quotas laitiers.

18

2

1

16

La diminution des salaires ('flexibilité du coût du travail') comme solution possible au chômage.

18

1

2

17

Les migrations des vanneaux huppés.

16

3

2

18

Les causes de l'intégrisme musulman en Algérie.

15

3

3

19

La première croisade.

16

3

2

20

La démographie dans les pays en voie de développement.

16

3

2

21

Les préfixes et les suffixes et la construction d'un mot.

13

5

3

22

La position du Vatican sur la contraception.

17

2

2

23

L'organisation d'une mission en navette spatiale.

15

4

2

24

Les transferts internationaux de joueurs de football.

19

2

0

25

La restauration des chapelles et calvaires champêtres.

19

2

0

 

Moyenne

16,3

2,8

1,9

 

p. 100

77,9

13,1

9,1

 

Grosso modo, les participants, qui n'étaient pas tous des actifs de la wallonophonie, mais aussi beaucoup de simples Wallons, considèrent que tous les domaines sont accessibles au Wallon.

Néanmoins, certains sujets sont ressentis par un plus grand nombre comme étant facilement accessibles au wallon : la question du wallon à l'école (Q4), la tenderie (Q9), l'agriculture (Q11), le football (Q24), le patrimoine architectural de nos villages (Q25). A l'autre bout du tableau, les domaines ressentis comme les moins propices à la discussion en wallon concernent la technologie, mécanique (Q5) ou industrielle (Q2), la médecine (Q10), l'informatique (Q12) ; la linguistique (Q21), la finance (Q14). Ces trois dernières questions sont les championnes du " non " (5 et 6/21).

Bien sûr, les conditions théoriques de réalisation d'une telle enquête ne sont pas faciles à réunir. Il faut des personnes suffisamment informées de ce qu'est la langue wallonne, et de différentes classes d'âge, de sexe et d'origine sociale. A l'inverse, elles ne doivent pas avoir été influencées par la jeune école réformatrice du wallon qui professe qu'on peut parler de tout en wallon. Ces conditions me semblaient réunies lors de notre raploû d'octobre 1994.

Les participants convaincus qu'on peut parler de tout en wallon commentent souvent leur réponse. Douvént k' on n' pôreut nén djåzer did tot e walon ? " s'exclame Roger Viroux, il est vrai, un activiste de pointe du wallon. " Il faut réactualiser le wallon. Ni cåzans nén do vî timp; cåzans d' l' avni ! Rimete li walon a môde d' enute, c' est mo impôrtant por mi. " écrit Michael Cravatte, un étudiant de 20 ans polyglotte mais pas spécialement branché sur le wallon.

Et Omer Marchal, un écrivain en français régional, qui animait l'atelier 'modernité' à cette réunion de compléter : " Dans le temps, on parlait de tout en wallon. La plupart des actes et des objets qui concouraient à la civilisation d'alors se retrouvent dans celle d'aujourd'hui. Il doit être possible de forger une langue d'expression moderne à partir du trésor linguistique des diverses contrées. A titre d'exemple, au Burundi, une grande partie de la scolarité se passe dans la langue du pays, le kirundi. La civilisation rundi était, comme la nôtre jusqu'il y a peu, essentiellement agraire. L'effort a été fait pour trouver dans la langue ancestrale, extrêmement riche, les vocables nécessaires à une civilisation en mutation sous l'effet de la technologie. Au Rwanda, cet effort a été moins poussé, et on assiste à l'émergence d'une langue bâtarde, ni français, ni kiniarwanda. Dji vôreu bén avu polu scrire tot ça e walon, mins, po scrire li walon, fåt esse capåbe. "

Je terminais le petit rapport que je fis sur cette enquête dans la série Waldim (des textes techniques et de réflexions sur la néologie que je diffusais aux personnes intéressées) par ces mots. Quand Rabelais en 1534 choisit un précepteur pour son héros, Gargantua, il établit comme suit son programme d'enseignement linguistique : l'hébreu pour discourir de religion, le grec pour la philosophie, le latin pour le droit, le chaldéen pour l'astrologie et l'arabe pour la médecine. Ceci a le mérite de nous renseigner au moins sur les domaines que le français ne pouvait aborder à l'époque. Le dialecte français d'alors se cantonnait à des fables burlesques comme Gargantua et Pantagruel.

Les anti-néologie.

Néanmoins, tous les waloneus ne partagent pas cet engouement pour la création néologique.

Deux prises de position claires contre la création de néologismes ont été publiées ces dernières années. Jean Van Crombrugge, dans la revue Singuliers en 1995, déclare que tout mot wallon doit être " attesté ", c'est-à-dire avoir été récolté lors d'une enquête linguistique chez une personne née avant 1920. Jean Lechanteur, en 1996, dans un article de la revue " Wallonnes ", se prononce tout à la fois contre les néologismes et contre la normalisation de la langue. A l'époque, il affirme être soutenu, dans sa vision, par J. d'Inverno, J.L. Fauconnier, V. Georges, E. Gilliard, J. Guillaume, A. Maquet et J.M. Pierret, des grands noms du mouvement wårdiveus (conservateur) concernant la langue wallonne.

Il faut se demander si les réticences des deux auteurs précités sont dirigées contre les néologismes eux-mêmes ou contre l'octroi au wallon de champs supplémentaires pour son développement.

Dans le cas de Jean Lechanteur, représentant de la vision dialectologique et mommificatrice qui a verrouillé les domaines d'utilisation du wallon, il est clair que la réponse est " oui ".

Jean Van Crombrugge, par contre, est un linguiste proche de l'U.C.W., et père du Projet Culturel Global, où il revendique le droit d'accès pour le wallon à de nombreux domaines, dont l'école, la vie culturelle, les médias. Le fait de réclamer le développement du wallon dans tous ces champs pour l'ensemble des variétés du wallon, soit plus de 500 dans l'optique dialectologique, est la preuve d'un manque de vision globale du problème. Seules, des grandes variétés, comme le liégeois, peuvent prétendre à étendre dans une certaine mesure, leur champ d'action sans passer par un processus de normalisation.

Néologie et diversité linguistique

La néologie, en effet, s'accommode mal de la diversité linguistique. En effet, si chacun utilise son propre wallon, quel sera le degré de diffusibilité des néologismes, même géniaux, trouvés par chacun d'entre nous ?

Avec des mots concernant des domaines spécialisés, créés par exemple dans des variantes peu répandues du Sud ou de l'Ouest-wallon, ne risque-t-on pas d'arriver à des néologismes compréhensibles uniquement par leur auteur ?

Prenons un exemple.

Dès que j'ai commencé à étudier le wallon, en autodidacte, en 1981-1982, j'ai été attiré par un rythme particulier de la phrase parlée wallonne. Il est obtenu par la présence au début, au milieu ou à la fin de la phrase de petites particules interpellatrices (hê, hin, ô, saiss, savoz, taiss, taijhoz, va, aloz, la, dê, da, don, dowê, dowô), souvent suivies du nom de la personne interpellée ou du pronom le remplaçant (Oyi, saiss, twè, Michel; i magne, dê, lu, vosse råpén. Cwè djhoz d' tot çoula, ô, vos, mwaisse ?).

Il fallait créer un concept pour cette fonction, et un mot pour ces particules. Je me rappelai alors les paroles d'une vieille tante. Lorsqu'elle réprimandait ma soeur et que je tentais de m'interposer, elle me disait " Vous, dju n' vous ê nin aduzé! ". Il fallait créer un dérivé à partir de ce verbe, pour lequel j'avais déduis une signification de " interpeller, adresser la parole ". Au fait le sens propre est toucher, frôler.

Le néologisme que je recherchais était : " une chose, un instrument pour aduzer ". Alors surgirent à mon esprit : saucloû = instrument pour sarcler; saloû = instrument pour saler; pèloû = instrument pou pèler, c'est-à-dire éplucher les pommes de terre ou enlever l'écorce des jeunes chênes; couloû = passoire pour couler, c'est-à-dire filtrer le lait; sèmoû = instrument pour semer.

Le néologisme créé était formidable : un radical original wallon avec l'effet voulu exact, et un suffixe tout aussi typiquement wallon, désignant la fonction recherchée pour le verbe auquel il allait s'articuler. Ainsi naquit : aduzoû, mon néologisme pour cette particule interpellatrice, mot que j'utilisai sans complexe dans l'introduction grammaticale de " Ene Bauke sur les Bwès d' l'Ârdène ".

Malheureusement, le hasard voulut que le wallon de Transinne, dans lequel j'avais forgé mon néologisme, soit à l'extrême sud de la zone de répartition de aduzer, et en même temps à l'extrême Nord de la zone du suffixe -oû. Ce suffixe, ou sa variante -ou, est présent dans toute la Wallonie (cougnou, Djiblou, raploû, fouyou). Néanmoins, il ne présente une répartition régulière, l'équivalent du suffixe français -oir, que dans une zone limitée allant de Libin à Bièvre et Bouillon dans le sud de l'Ardenne. Au fait, c'est la forme champenoise du suffixe -oir, la forme liégeoise étant -eû (såcleû, coleû, saleû), et la forme namuroise et carolo -wè (såclwè, pèlwè, colwè, salwè). La forme liégeoise est présente jusqu'à Libramont, et la forme namuroise jusque Wellin, soit à peine à 20 km de l'endroit où j'avais conçu le mot nouveau.

Mon néologisme, bien que décrivant d'une manière wallonne originale un phénomène pan-wallon, ne concernait que moi.

Plus tard, quand j'aurais assimilé les principes de la normalisation, et surtout des diasystèmes, ma démarche reprendrait un sens. Le mot s'intégrerait soit dans une série de normalisation centrale en -wè (såclwè, pèlwè, colwè, salwè, aduzwè) ou - et c'est une proposition plus récente - dans une série avec le betchfessî scrijha oe (såcloe, peloe, coloe, saloe, aduzoe). Je remplacerais maintenant aduzoe par arinnoe (arin.nwè), ou atôchoe (atôchwè), parce que les verbe arinner ou atôchî ont plus le sens propre d'adresser la parole.

Comment créer des noûmots ?

La formation de aduzoe (aduzwè) nous a illustré la technique peut-être la plus courante pour créer des néologismes : la formation de mots de la famille d'un mot connu, grâce au jeu des préfixes et des suffixes. C'est ce qu'on appelle techniquement la dérivation, ou la formation de dérivés, et, en walon, l' aparintaedje, ça vout dire : trover de parints po les mots (trouver des parents pour les mots).

Comme nous l'avons déjà étudié dans le premier chapitre " atouts techniques ", le wallon est très riche dans ce domaine, et de nombreuses possibilités s'offrent à nous. Ainsi, tout verbe wallon peut pratiquement sans problème s'adjoindre le suffixe -aedje, pour former un dérivé pouvant désigner à la fois l'action et son résultat. Ex. pinde / pindaedje do crama (pendre, pendaison de la crémaillère); unifyî / unifiaedje do walon (unifier / unification du wallon), corwaitî (regarder avec insistance, analyser) / corwaitaedje (analyse, examen).

Ce dernier exemple nous a introduit à une autre technique de création de néologismes, l'extension de sens. Carwaitî est un verbe classique qui signifie dévisager. Le préfixe ca- étant souvent péjoratif, on le remplace par son homologue neutre co-, qui indique une intensification de l'action. Regarder quelque chose avec une (saine) insistance, c'est en fait, examiner de près, donc analyser.

Par contre, dans l'exemple de unifyî pour unifier, on a effectué simplement un emprunt à une langue étrangère. On a pris l'habitude d'appeler cette démarche en wallon li calcaedje (le décalque) parce que ce genre de mots, soi-disant empruntés, ne sont jamais rendus. Le calcaedje est un des mécanismes les plus fréquents pour la création des mots nouveaux. La langue d'origine ne doit pas être nécessairement le français. On peut en toute légitimité emprunter à l'anglais : mètingue (manifestation, marche de protestation), listing, bak (arrière, au football), cåler (appeler au téléphone), bul (bulldozer); à l'allemand : brôtchene (petit pain), rivni avou s' cupak (avec armes et bagages), li jårgane (l'anniversaire), au flamand : a l' ascrèpe (tout juste, tangent), au bruxellois : drache (averse), zinkea (zin'kê, bâtard), même à l'arabe : tobib (docteur), zemel (pédé). Tout les mots repris ci-dessus sont des néologismes récoltés, apparus depuis moins d'un siècle, dont certains sont présents dans les dictionnaires récents.

L'emprunt peut aussi provenir de langues régionales voisines : picard : fok (ne que, seulement), amostraedje (démonstration, visualisation), forwårder (réserver jalousement, monopoliser); gaumais : plazrê (plateau, géologiquement); champenois : bernicokea (croque-mitaine). Dans ces derniers cas, on peut considérer également que le wallon puise dans le pool lexical des régions wallonnes en contact, le Hainaut, le Chestrolais, l'Ardenne méridionale.

Une dernière technique classique pour créer des mots nouveaux, c'est la composition, c'est-à-dire la création d'un mot composé : årmå-ås-lives (bibliothèque), live di mots (dictionnaire), IBM-amiståve (IBM-compatible), nateure-amiståve (écologique).

Dans ces deux derniers composés, remarquez la structure germanique inversée, dite déterminant-déterminé. C'est une combinaison qui n'est plus productive depuis au moins trois siècles en wallon. Mais rien ne nous empêche de la réhabiliter, vu sa présence dans de nombreux noms d'endroits et de personnes en Wallonie. Ainsi, Henrypont, Jéhonville, Carlsbourg, Rixensart, Nessonvau, Robelmont, Jéhanster, Burnonbois, Baconfoy seraient appelés actuellement : Pont Henry, Villa Jean, Bourg Charles, Essart Rikso, Val Nesson, Mont Robert, Gradins Jean, Bois Bernard, Fange Bacon. Cette structure est également présente dans certains noms communs wallons : pî-scaye, ardoise de pied de toiture (pied-ardoise), pî-sinte, sentier (pied-sentier), pî-wå, torche de seigle en bas du toit de chaume (pied-botte), spågne-måle, tirelire (épargne-boîte), gorhê-mohon moineau friquet (collier-moineau), tchèt-cawe, prêle (chat-queue), wayin-timp, automne (regains-temps).

On créera tout naturellement sur ce modèle : pî-note, note de bas de page (pied-note), cir-naivieu, astronaute (ciel-navigateur), linwe-ehåyaedje, planification linguistique (langue-délimitation).

Notons en passant que même le français possède, lui aussi, des mots bâtis sur ce modèle : vermoulu (moulu par les vers).

Recherche de créneaux porteurs

Vous avez créé votre néologisme par dérivation, composition, emprunt ou extension de sens. L'étape suivante est de voir si les gens qui parlent ou qui écrivent en wallon en ont besoin. Ou, pour reprendre le langage commercial, s'il existe des niche-markets, des créneaux porteurs pour votre produit nouveau.

Il y a évidemment une différence si vous proposez des mots comme :

(Série 1) : herlime-herlame (pour carambolage), bawète-ås-liårds (pour guichet automatique) ; copiutrece, indjole (pour ordinateur) ; ou

(Série 2) : cir-naivieus (pour astronaute), ploncaedje (pour sondage), raprindisse (pour celui qui se recycle), riscolaedje (pour recyclage), djermêye (pour génération), a-lére (pour lecture, livres à lire), arinna (pour conférence de presse) ; ou

(Série 3) : tûzance (pour culture, identité), schålance (pour hiérarchie), splaca (pour stéréotype), aroyaedje (pour périmètre), adierça (pour public cible), tavlotêye (pour commission) ; ou

(Série 4) : cahosrece (pour agitateur magnétique), codjowant infinitif (pour infinitif substitut) noketes el nateure (pour hypertrophie des follicules vaginaux), sorroedixhaedje (pour tétanisation), emilreye (pour boîte aux lettres électronique) ; ou

(Série 5) : Rûsseye (pour Russie), sistematicmint (pour systématiquement), vièbe (pour verbe) viertu (pour vertu), tecnolodjeye (pour technologie), unifiaedje (pour unification), francijhî (pour franciser), etrernète (pour Internet), tévé-distribouweu (pour : société de télédistribution).

La première série concerne des objets ou des faits nouveaux mais d'usage quotidien même pour le grand public. A n'importe quelle époque, ils auraient reçu des noms wallons. Le fait de leur donner une appellation qui n'est pas la copie conforme de leur nom français témoigne de la volonté des waloneus de conserver une différence avec la langue dominante.

La seconde série désigne des objets ou des faits déjà plus distants de la vie courante mais qu'on va retrouver couramment dans les conversations dépassant légèrement les banalités.

La troisième série concerne des notions abstraites que l'ancienne génération n'aurait pas jugé bon d'exprimer en wallon. Leur production n'est nécessaire que si suffisamment de waloneus décident d'exprimer ces idées et de débattre de ces faits en wallon, a l'oral ou dans leurs revues.

La quatrième série concerne des mots d'une profession spécialisée.

La cinquième série est constituée de mots repris du français mais auxquels on a fait subir une adaptation aux règles de la prononciation wallonne classique. On simule ainsi l'introduction du mot à une époque où la bouche wallonne ne prononçait pas aisément des groupes de lettres comme -erb- (qui devient -ièb-) ou qui ressentait comme étrangers certains suffixes comme -ation (qui devient -aedje).

Les créneaux porteurs, c'est-à-dire les groupes humains susceptibles d'utiliser vos néologismes sont différents pour les séries 1, 2, 3, 4 et 5. La première est à diffuser chez le grand public wallonophone pour utilisation à l'oral comme à l'écrit. Ainsi, une voisine ayant participé à nos premières rencontres wallonophones en 1994 était toute fière de dire à son entourage : " Tu sais comment on dit " ordinateur " en wallon ? - copiutrece !

La série 2 est destinée à tous les actifs de la langue, animateurs ou écrivains, surtout à l'écrit, mais plusieurs de ces mots devraient pouvoir " sortir " à l'oral. Quant à la troisième série, elle est destinée aux intellectuels wallonophones, dans leurs contacts écrits. Elle peut être aussi utiles pour les écrivains de proze nén racontrece (prose non narrative), c'est-à-dire pour les textes journalistiques.

La quatrième série est destinée à vous-même. Vous pouvez créer des néologismes de ce type pour walloniser vos activités et prendre des notes personnelles. Vous pouvez aussi les communiquer à d'éventuels collègues qui auraient la même profession et le même goût pour le wallon, mais il s'agit là essentiellement d'une série à diffusion confidentielle.

Enfin, la cinquième série a pour cible les débutants qui cherchent, par réflexe, à régulariser la langue, et à s'éloigner du français. C'est eux qui introduiront ces sorwalondes (formes hypercorrectes) dans le wallon de demain, s'ils le désirent.

Quality Control

Nous avons donc maintenant créé des néologismes, dans des champs divers. Mais une création n'est utile que si elle est diffusée. Pour reprendre le langage commercial, une production n'a d'intérêt que si elle est commercialisée. Avant de rassembler une équipe de vendeurs et forger un politique commerciale, il reste une étape préliminaire : le contrôle de qualité.

Le néologisme nouvellement formé doit subir quelques épreuves préliminaires, de manière à éviter plus tard un flop commercial. Une des premières questions à se poser est : le mot est-il suggestif de l'objet ou de la fonction. En jargon de spécialiste, le contenant est-il adapté au contenu ?

Prenons l'exemple d'un néologisme proposé par une soce di scrijheus (société littéraire) il y a une quinzaine d'années : copèzeu pour ordinateur. Le mot français est en effet un exemple de mauvais néologisme, où le contenant n'est absolument pas en rapport avec le contenu : un ordinateur n'ordine pas. D'ailleurs, le verbe ordiner n'existe pas.

Le problème est que copèzeu, qui a le sens de " soupeseur, estimateur " peut être appliqué à beaucoup de choses : un expert, un juge, un sage conseiller d'un gouvernement etc., voire à des notions abstraites : paramètre, critère. Cela peut expliquer en partie que le mot n'a pas "percé".

Un d'autre critère de conformité contenant / contenu est la longueur du mot.

Un mot destiné à un objet rapide, performant doit être court. Le mot raddiveuzmint ne convient pas pour hyperrapidement. Je préfère abeye abeye ou rouf-rouf si c'est rapide et mal fait. Par contre, j'ai utilisé : londjinniveuzmint pour " hyperlentement ", et venerålissîme pour " très vénérable " (dans une formule qui s'adresse à un roi).

Une autre astuce que j'utilise et qui rejoint ce critère : essayez que votre néologisme ait le même nombre de syllabes que le mot francisé qu'il doit remplacer. Ainsi, on a préfère rantoele (daegnrece) pour " réseau (mondial) " plutôt que arantoele ou aréncrén, les 3 mots étant pourtant des synonymes stricts signifiant toile d'araignée. Le premier a deux syllabes, comme réseau, les deux autres en ont trois.

Si votre noûmot a autant ou moins de syllabes que son homologue français, vous êtes dans le bon. Ainsi copiutrece pour ordinateur ; scrirece pour imprimante. Small is beautiful.

Vous avez remarqué sur ces deux derniers mots un suffixe -rece (prononcé ress). C'est un vieux suffixe wallon, dont nous avons déjà parlé, que les latinistes ont rattaché à la terminaison latine -aricius. On le retrouve dans les noms wallons classiques d'une série de petits outils dont nous avons déjà parlé, performants en leur temps : djondrece (rabot des tonneliers) ; schavrece (ciseau d'orfèvre), abatrece (cognée du bûcheron). Nous avons abondamment utilisé ce suffixe, entre autres pour des outils modernes et efficaces du monde bureautique et informatique : trawrece pour perforatrice ; taprece pour clavier.

Nous avions ainsi sur le bureau du jeune cadre moderne une série d'objets en -rece : copiutrece, taprece, scrirece. On aurait pu continuer houcrece (" appellerèce ") pour modem ; rwaitrece pour écran.

La première proposition rencontre un obstacle de taille : le mot modem est un mot neutre, et international. Inutile de lui trouver un concurrent : il ne percera pas ! C'est peut-être pour cette raison que copiutrece a réussi comme néologisme pour ordinateur. Le mot anglais computer s'est pratiquement imposé dans toutes les langues du monde pour désigner l'ordinateur. C'est donc toujours une bonne méthode que de reprendre un mot international.

Tout ce qu'on peut faire, c'est de le walloniser : d'où le pseudo-suffixe -rece de copiutrece. Pour " modem " et " e-mail ", nous avons féminisé le mot : ene modeme ; ene emile. Ce qui est petit et joli est plus facilement ressenti comme féminin.

Le symbolisme des sons et la création de néologismes.

Petit, joli, gentil rime avec " fille " ; grand, large, haut rime avec " mâle ".

Remarquez dans ces deux phrases la différence des sons utilisés. Beaucoup de I dans la première, beaucoup de A et O dans la seconde.

Selon les linguistes spécialisés, il existe en effet dans toutes les langues ce qu'ils appellent le symbolisme des sons. Les voyelles dites antérieures (front voyels en anglais, wîclantès voyales en wallon) comme I et U et dans une moindre mesure E sont associées à des choses petites jolies rapides, aérienne, qui émettent un cri aigu. Les voyelles dites postérieures (back voyels, en anglais, låvådès voyales en wallon) qui sont produites dans le fond de la gorge A, O, et dans une moindre mesure AN et EU suggèrent des objets grands, massifs, lents, mais puissants, terrestres et émettant un son grave. Ces sensations sont importantes pour le noûmotî (créateur de néologismes), parce qu'elles sont probablement inscrites au plus profond de notre paléo-cerveau, la zone des instincts et des émotions.

Passent bien ces examens, parmi les néologismes proposés : bik pour stylo à bille, tchike pour puce (microprocesseur), emile pour courrier électronique, comme illustration de noveas mots dominés par des voyelles aiguës. D'autre part : sårma pour supermarché ; cråssès letes pour caractère gras, årvå nawearin pour ogive nucléaire, comme exemles de mots construit en surpondérant les voyelles graves.

Noms de marques et sigles devenus noms communs.

Mais, bik et sårma, ce sont des noms de marque, allez-vous objecter.

Certes, et toutes les langues utilisent ce procédé : pensez aux mots français poubelle ou zeppelin, du nom de leur inventeur ou diffuseur ; ou Scrabble, Escalator, Pyrex, inox, Zodiac, Klaxon, bikini ou encore Pédalo ou Delco qui sont des noms déposés. D'ailleurs mon correcteur automatique vient de me remettre des majuscules sur plusieurs de ces mots.

Ces emprunts à des noms commerciaux présentent l'avantage d'être déjà diffusés et d'avoir été conçus par des spécialistes de la publicité, une qualification que les néologistes doivent essayer d'acquérir.

D'autres exemples de néologismes proposés ou observés provenant de noms propres : tchén-bessî pour " berger écossais " ; spirou pour bande dessinée ; ôvomaltene pour cacao soluble, cécémel pour chocolat chaud, mobilete pour cyclomoteur, kitecate pour aliment pour chiens et chats, botin pour annuaire, liste d'adresse), miket pour dessin animé, dånone pour yoghourt, pampiesse pour couche pour bébé, frigolite pour polystyrène expansé, frisco pour crème glacée, frigo pour réfrigérateur, calachnikofe pour fusil mitrailleur.

Pendant qu'on parle des procédés spéciaux pour créer des noûmots examinons la formations de sigles.

Vous pourrez déjà entendre ça et là des phrases wallonnes comme les suivantes : " I nos a fwait tot on spitch sol sida. Avou ses féns solés, il a parvinou a m' fé acater ene dijhinne di ses sicafes. C' est Brijite ki nos a fwait mete vîpos : ele nos a fwait wangnî ene bele djournêye. Doûçmint avou mi, la, chef ! Dji n' so nén on téjévé, savoz, mi. Si ptit plaijhi, c' est d' riwaitî les videyos d' ovneyes avou ses efants. Dj' a yeu m' cécwate. ". On pourrait les traduire comme suit. Il nous a entretenu longuement du S.I.D.A. (Syndrome d'Immuno-Dépression Acquise). En catimini, il est parvenu à me vendre ses S.I.C.A.V. (Société d'Investissement à Capital Variable). C'est Brigitte qui nous a inscrit au statut V.I.P.O. (Vieillards Invalides Personnes Impotentes). Du calme, chef ; je ne suis pas un T.G.V. (Tran à Grande Vitesse). Sa distraction favorite, c'est de regarder les bandes vidéos d'O.V.N.I. (Objet Volant Non Identifié) avec ses enfants. J'ai été licencié (j'ai reçu le formulaire C4).

Vous avez constaté qu'en wallon, les sigles ont perdu leur nature, et ont été orthographiés en écriture nomale. Ceci est un bon critère de passage du statut de sigle à celui de nom commun. Un autre indice, c'est d'examiner s'il a créé des dérivés, comme onusien ou sidéen en français (dérivés de O.N.U. et S.I.D.A.).

Quelques dérivés de sigles ont été repérés en rfondou walon dans notre trimestriel Li Ranteule : onutîs, (onusien), sidateu (sidéen), SLW-yîs, (esselwéyîs), ALWAK-îs (membres de sociétés d'écrivains wallons S.L.L.W. et A.L.W.A.C.).

La phrase suivante a été également lue dans Li Ranteule : " Li dierin rapoirt del CONUCED, Coferince di l' ONU pol Comiece Et l' Diswalpaedje... ". On constate une adaptation astucieuse de sigle français qui permet un respect de la règle wallonne des 3 consonnes. En wallon, en général, on évite la succession de 3 consonnes, qui interviendrait dans une phrase avec " del CNUCED ".

Même pratique esthétique dans SLW-yî, prononcé esselwéyî, où on supprime un L du sigle original S.L.L.W., pour le rendre plus facilement prononçable. Remarquons également qu'en wallon, W, dans un sigle se prononce . Le WWW (WorldWide Web) sera donc li wéwéwé ; le WWF (World Wild Fund) sera li wéwéyefe, comme une B.M.W., c' e-st ene beyemwéye et le R.W.D.M., le club de foot de Molenbeek, l' erwédéyeme. Même si, quand on épelle un mot, W se dit traditionnellement " doble U " ou " doblû ".

A travers notre petit voyage via les noms propres et les sigles, nous venons de découvrir, al taxhlete (sans en avoir l'air) deux nouvelles règles dans notre business de création et diffusion de néologismes. La première est la règle de l'esthétique : les mots doivent être faciles à prononcer. La seconde, c'est que

La formation de dérivés est un bon critère de réussite.

Citons, par exemple des agayons éndjolikes (du matériel électronique), où éndjolike provient de éndjole, néologisme naturel pour matériel électronique, et plus spécialement ordinateur. On a aussi formé l' éndjolreye pour le hardware, et on y a opposé li cotuzreye pour le software.

Mais il semblait que vous aviez dit qu'on avait adopté " copiutrece " comme novea mot pour ordinateur ?

Une partie seulement des utilisateurs, essentiellement les moderniveus (modernistes). Quant aux wårdiveus (conservateurs), ils ont préféré effectuer une extension de sens à partir de mots wallons classique signifiant " engin, instrument complexe " : éndjole, djindjole, agayons, le dernier étant souvent au pluriel.

Au fait, dans notre voyage dans le monde de la création et de la diffusion des néologismes, nous sommes passés progressivement de l'étape " qualité contrôle " à l'étape diffusion commercialisation ; et même feed-back clientèle.

Revenons un moment à l'étape " création ".

Si la formation de néologismes savants reste un travail pour spécialistes, jusqu'à présent des self-made men, le droit de proposer des néologismes appartient à tout locuteur. Mieux : on va assister à la formation non consciente de mots nouveaux avec l'arrivée sur le marché des locuteurs de raprindisses qui apprennent la langue avec une logique de rupture et non une logique de continuité.

Expliquez-vous s'il vous plaît !

Déformation ou adaptation phonologique ?

Dans le contexte traditionnel, le locuteur connaît et parle le wallon, avec son vocabulaire coutumier, riche pour les techniques et les objets anciens, pauvre pour le matériel moderne. Arrive dans la vie quotidienne un nouvel objet ou un nouveau concept. Par exemple l'expropriation d'un terrain pour faire passer une autoroute ou l'installation d'une chaudière au mazout au lieu d'un chauffage au bois. Dans 99 % des cas, ces objets, ces concepts nouveaux entrent dans l'espace wallonophone à partir de la langue dominante, le français. Notons, chez des communautés wallonophones restreintes, comme les Malmediens ou les Wallons du Wisconsin, c'est respectivement l'allemand et l'anglais, qui joue ce rôle, notamment pour les néologismes cités plus haut brôtchene (petit pain), jårgane (célébration d'un anniversaire), cåler (appeler au téléphone). Ces emprunts peuvent être rediffusés dans l'ensemble de la Wallonie via le rfondou walon.

Vous avez remarqué que ces mots ont pris un accent wallon, à tel point qu'on ne reconnaît plus les originaux : brötchen, jahrgang et to call. A tel point, aussi, que cette Malmedienne prenant son p'tit dej en Allemagne, disait à son mari : " Dumandez lî des brôtchenes, dê, Hinri ; mi, dju n' sé djâzer l' almand. "

Il en allait de même pour les emprunts au français. Jadis les gens, peu habitués à parler le français, empruntaient puis s'appropriaient le mot, en lui faisant subir les lois de la phonologie du wallon. C'est ce que nous appelons, dans notre vision positive du phénomène, l'adaptation phonologique. C'est ce que les détracteurs du wallon qualifient de déformation.

Prenons l'exemple de ce que les spécialistes désignent sous le nom d'R épenthétique, c'est-à-dire un R qui s'intercale à l'intérieur du mot.

Connaissez-vous l'Atlas Linguistique de Wallonie ? C'est un magnifique travail, joyau de l'école dialectologique, qui donne les formes régiolectales de 300 points de Wallonie, comme elles étaient connues en 1935. Huit tomes sont parus, dont les deux derniers, en moins de cinq ans, dus au travail acharné de Marie-Guy Boutier. J'ai splitchî (épluché) le tome 8, qui concerne les animaux, pour récolter les appellations de l'Ardenne Méridionale, en vue de les introduire dans le fond d' bayeyes (base de données) " Rasgoutadje " de mon projet de dictionnaire du Sud-wallon occidental. C'est ainsi que je suis tombé (sin m' fé må) sur plusieurs exemples de ristitchîs R (R épenthétiques), dont plusieurs ne m'étaient pas inconnus dans mon wallon spontané.

Li Walonreye, l' Etrernete et les R épenthétiques.

Prenons l'exemple du tarin des aulnes, el mouchon d' ônia de nos amis de La Louvière. Le nom wallon le plus fréquent pour désigner cet oiseau est sizet mais, en quelques points, on rencontre " sizret ". De même pour la mésange : mazindje est la forme habituelle mais le mot mazrindje apparaît en quelques endroits. Ceci montre bien que le ristitchaedje (épenthèse) d'un R dans les mots wallon est une tendance ancestrale, un phénomène intrinsèque à la langue.

Que penser des mots en -reye, bâtis suivant le même processus, comme adaptations peut-être hypercorrectes, des mots français en -ie ? Citons trois exemples : farmaçreye, årmonreye, Walonreye (pharmacie, harmonie-fanfare, Wallonie). Remarquez que pour ces deux derniers, vous prononcez spontanément aurmon'rèy et walon'rey, et non avec la nasale ON : aurmon.rèy, Walon.rèy. Ceci nous rappelle que, dans l'orthographe disfaflotéye, celle qui n'a qu'un nombre réduit de signes diacritiques, toute l'info sur la prononciation n'est plus contenue dans la graphie, mais " que ça s'apprend vite ".

L'exemple du mot Walonreye est intéressant parce qu'on peut déduire sa date de formation. Elle ne peut pas être antérieure à 1850, puisque la notion de Wallonie, au sens politique du terme, n'existe que depuis cette époque. On peut se demander si ce R épenthétique a été introduit spontanément par des locuteurs natifs ou programmé, planifié, par les actifs de la wallonophonie naissante ? Peu importe la réponse, le vocable Walonreye avec son ristitchi R a sûrement sa place dans le dictionnaire du wallon commun, à côté de la forme simplifiée Waloneye.

Dans une lettre récente, Josée Spinosa-Mathot, une waloneuse ouverte aux avancées modernes, m'écrit, pour m'expliquer qu'elle n'était pas encore familiarisée avec le WEB : " Dji n' conoxhe nén li moncheu intrèrnèt' ". On peut supposer que cette forme, avec un R épenthétique, a été entendue dans la région de Philippeville, ce qui montre que le mécanisme est bien ancré dans le wallon et est encore productif aujourd'hui. C'est pourquoi j'ai proposé la forme Etrenete (ètrèrnèt') comme néologisme pour Internet et, en général, les réseaux électroniques de communications de données. Ceci, à l'instar des Picards de la revue Ch' Lanchron qui utilisent la forme Aternète.

S'approprier les dernières avancées technologiques en les nommant dans sa langue, n'est-ce pas là le meilleur signe de l'ambition qu'on a pour cette langue, et à travers elle, pour son Walon Payis ? Celui qui nomme est nécessairement un être fort psychologiquement et politiquement. Ce ne sont ni les Duwala, ni les Bamileke, ni les Bamun qui ont nommé leur pays Cameroun, mais les pécheurs portugais, alors la puissance navale dominant la région, en trouvant un grand nombre de crevettes (camerones) au large de Douala.

Mins rivnans drî rinne (revenons derrière la rêne, c'est-à-dire : reprenons le fil de notre discours). C'est-à-dire la création spontanée de néologismes par les raprindisses dans leur réapprentissage de la langue wallonne.

Apprentissage de rupture et addition de mots en continuité.

Le cas du R épenthétique était un mauvais exemple pour illustrer la formation spontanée de néologismes adaptés phonologiquement dans l'apprentissage de rupture. Ceci, parce que le mécanisme d'addition d'un R interne n'est pas automatisable.

Par contre, si on prend l'exemple du mot " expropriation ", on voit dans plusieurs dictionnaires (Haust pour Liège, Carlier pour Charleroi, Coppens pour Nivelles, Pirsoul pour Namur) que les mots français en ex- deviennent es- en wallon : li fé esprès ; ene esperyince estrordinaire, s' espatriyi, esporter, espressémint, esplicåcion). On constate même parfois une réadaptation phonologique du è en a au sud et à l'ouest : èn aspêrt (un expert, un arbitre au jeu de balle).

Le raprindisse qui va étudier cette règle va donc passer rapidement de " exproprier " a espropriyî. Comme on lui a dit aussi que le suffixe -ation ne sonnait pas wallon et pouvait être remplacé par le suffixe -aedje, il formera spontanément un néologisme espropriyaedje. Par contre, le locuteur natif a probablement vécu les expropriations pour grands travaux à la fin du 19e siècle et la première moitié du 20e siècle. Il a calqué directement le mot français, avec juste un soupçon d'accent wallon, ce qui donne l'entrée ècspropriyâcion dans le dictionnaire de Scius pour Malmedy (1893), et èkspropriyâcion dans le Dictionnaire des Parlers wallons du Pays de Bastogne (1994) de Michel Francard.

Le même réflexe va avoir lieu pour les néologismes obtenus par extension de sens. Le vieil Ardennais qui installe un chauffage au mazout va dire " C' est Jan-Luc k' a vnu mète lu chôdiêre ". Il utilise le calcaedje (emprunt) " sec " du français, sans réadaptation, parce que pour lui, le mot wallon équivalent tchôdire représente un autre objet : une grande cuve où on cujhéve les cabolêyes des pourceas (on cuisait les pommes de terre étuvées pour les cochons). Par contre, pour le raprindisse, chaudière en français, c'est tchôdire en wallon, quel que soit le type de chaudière en question. Il confirmera éventuellement en consultant un dictionnaire wallon français comme le Haust de Liège (tchôdîre) ou le Coppens pour Nivelles (tchaudière). Il dira donc. " C' est Djan-Luk k' a vnou amonter l' tchôdire. "

Cette tendance à utiliser des règles systématiques pour passer du mot français au mot wallon va conduire à la formation de néologismes par emprunt avec réadaptation, ce qui est un processus que nous encourageons. Par exemple : unifiaedje (do walon). Il va aussi conduire à ce qui les linguistes appellent les hypercorrectismes.

Les hypercorrectismes ou sorwalondes

La limite entre les deux processus, l'hypercorrection et la néologie, est parfois ténue. Nous garderons la notion d'hypercorrectisme quand le processus s'applique à des mots wallons courants pour désigner des notions ou des objets déjà existants.

Un exemple courant d'hypercorrectisme est le passage de AN en IN. Les néolocuteurs entendent que des tas de EN (prononcés AN) du français se disent IN en wallon : le temps / li timp ; une dent / on dint ; je sens / dji sin. Ce passage quasi systématique avait conduit les instituteurs jadis à l'utiliser comme auxiliaire dans les cours d'orthographe française, pour distinguer les mots qui s'écrivent avec EN ou AN (ça marche toujours sauf pour Flamand / Flamind). Par contre, les raprindisses vont extrapoler le passage au son IN en wallon à tous les mots où on entend le son AN en français : demander / dminder, danser / dinser.

Ce phénomène va concerner les linwe-ehåyeus (planificateurs linguistiques) dans le choix de la forme commune. Par exemple, faut-il pour " changer ", choisir la forme majoritaire candjî ou une sorwalonde ancienne tchindjî (tchandjî, kindjî) ? Ou pour " manche " et ses dérivés (emmancher = organiser), faut-il prendre mantche ou mwintche, emantchî ou emwintchî ? D'autant plus qu'en picard, les formes régulières sont en IN (kindji).

La réponse à cette question ne concerne pas ce chapitre. Mais, personnellement, je verrais volontiers les deux formes comme entrées principales des dictionnaires wallons généraux, et particulièrement li Diccionaire di Tot l' Walon en préparation.

Nous sommes concernés dans ce chapitre quand l'hypercorrection va aboutir à la construction d'un mot inexistant à ce jour, donc un néologisme, mais qui a des synonymes wallons typiques dont il faudrait favoriser l'emploi. Par exemple le mot " embêtant " a été emprunté tel quel par pratiquement toutes les variétés du wallon. C' est ambêtant. Un hypercorrectisme a été formé par Stéphane Dohet, waiburlin (webmaster) d'un site consacré aux régions d'Europe : imbiessant. Bien sûr, il existe pour le même usage des mots wallons typiques ehalant (pour presque tous les usages, dans le sens d'embarrassant) ou hamåle, haeyåve, hodåle, taenisse, taenant, soyisse, soyant (pour le sens d'importun). Néanmoins, pour l'emploi actuel de ambêtant, j'utiliserai bien volontiers le néologisme imbiessant, même si ça soune drole pour des oreilles habituées au wallon oral actuel.

Nous n'avons guère de souci à nous faire pour les chances de réussites des néologismes réguliers bâtis par les néolocuteurs : elles sont assurées, même si certains puristes les refusent présentement. Mais revenons aux autres néologismes, comment peut-on juger de leur succès ?

Les critères de réussite d'un mot nouveau.

Comme dans le commerce, le seul critère de résultat est la vente, objectivée par la présence du noûmot dans l'écrit d'abord, puis éventuellement dans l'oral.

Si on crée des mots nouveaux en laboratoire, il ne faut pas s'attendre à une proportion élevée. Ainsi, Aavik, le grand linwe-ehåyeu (planificateur) de l'estonien a-t-il créé des milliers de néologismes, peut-être 5.000, au début du siècle. On estime que plus de 200 sont utilisés dans la langue estonienne moderne, dont une cinquantaine sont des mots d'usage courants. Les spécialistes vous diront que c'est une réussite extraordinaire.

Au niveau de l'A.S.B.L., li Ranteule, nous proposons des néologismes à la suite d'une concertation entre deux ou trois personnes. Le mot nouveau ainsi formé a déjà un avantage sur les mots créés par une seule personne.

Ainsi, à partir d'une série de noûmots formés sur la base du radical cwår (des caurs = de l'argent), le mot recwårlant (rècwaurlant) pour lucratif, entrant dans le sigle S.N.R., Soce Nen Recwårlante, pour A.S.B.L., est passé dans l'usage, puisqu'il a été réutilisé par Thierry Dumont et Michèle Gabrielle, deux personnes qui ne sont pas ses créateurs, au niveau de la page de garde de la revue Li Ranteule, et de celle du Calindrî Walon.

Par contre, d'autres mots de la série dont ecwårlé (riche, argenté) ou discwårlé (désargenté, ruiné) ne sont jamais sortis des tiroirs parce que la langue wallonne possède une cåkêye (flopée) d'expressions imagée pour désigner un riche (i l' tent ben, il a des liårds, etc.) ou un fauché (i va a Rêkem, i lodje li diâle e s' boûsse ; si poite-manôye va a gayet, etc.).

Déduisez-en la règle suivante : ne jamais proposer un néologisme pour une notion banale, pour laquelle la langue possède des belles expressions imagées. On vous fera le reproche de dénaturer ce que vous voulez protéger.

De même, les " molécules-mots " formées par des sociétés littéraires ont plus de chance de passer au stade commercial. Le terme " molécule-mot " vient d'une comparaison qui m'est chère : comparer la formation et la diffusion de néologismes aux différentes étapes de la recherche pharmaceutique. Des milliers de molécules sont conçues par les chercheurs ; seule 5 p cent d'entre elles passent les tests cliniques et moins de 1 p. 1000 deviennent des médicaments.

Les mots nouveaux proposés par les sociétés littéraires peuvent être déjà considérés comme au stade d'essai clinique. Ainsi les Rèlîs Namurwès ont "commercialisé" le mot indjole ou djindjole pour ordinateur et le mot cåler pour " appeler au téléphone ". Ce dernier mot, on l'a vu, fut emprunté spontanément à l'anglais par les Wallons du Wisconsin. Comme le namurois avait perdu l'usage du mot wallon typique houkî (houkî, houtcher, ukè), et l'avait remplacé par le français apèler, il existait donc une demande pour ce néologisme.

La société littéraire du Bambois (Fosse-la-Ville) a aussi créé et diffusé plusieurs néologismes dont la plus belle réussite commerciale semble être le mot cwårlî (caurlî) pour trésorier, littéralement argentier.

Mais pourquoi, diable, n'y a-t-il pas de mot wallon pour " trésorier ". Depuis des siècles, les sociétés, les communes devaient bien avoir un préposé aux finances. Oui, le mot existait li caissî (kêssî), mais il a été transformé en caissier (kêssier) avec la francisation des fonctions administratives, pour tomber en désuétude en wallon avec l'arrivée de " trésorier " en français. Quand les associations wallonnes ont essayé de reconquérir une partie du terrain, elles se sont trouvées pour " trésorier ", devant un vide lexical. D'où la création réussie de cwårlî.

Les caisses de résonance

Les associations littéraires et les revues wallonnes constituent donc des caisses de résonance par lesquelles les noveas mots vont pouvoir être diffusés. D'où l'intérêt, pour un waloneu qui propose un mot nouveau, de contacter une de ces structures de propagation.

Ainsi, en octobre 1997, Paul Rouelle, un cibernaivieu hutois, nous propose une forme wallonisée de e-mail : emile, tout simplement. C'est une adaptation phonologique spontanée et humoristique par sa ressemblance prénom Emile. Nous avons utilisé le mot immédiatement sur nos sites Internet. Nous avons formé des dérivés : emiler (envoyer un courrier électronique), emilreye (boite aux lettres électronique). D'autres waloneus ont employé le mot et moi-même, je m'en suis servi dans des conversations et des interventions dans des raploûs (réunions) wallonophone.

Ces trois points peuvent être considérés comme des promesses de succès d'un néologisme : création de dérivés, réutilisation par d'autres personnes, d'abord à l'écrit, puis, consécration souveraine : l'utilisation à l'oral par son créateur puis par d'autres personnes.

Le critère de réussite suprême, c'est quand toute la communauté linguistique utilise le mot couramment et qu'on ne sait plus qui l'a inventé. Par exemple le mot " Walonreye " dans toute l'aire liégeoise.

Voici certains néologismes d'introduction récente qui sont en passe de réussir ce passage sur le marché. Les personnes ou les structures cités entre parenthèses ne sont pas nécessairement leur créateur mais plutôt les caisses de résonance : ploncaedje pour sondage (d'opinion), (revue Djåzans Walon, Liège) ; tûzance pour identité, culture (revue Li Chwès, Namur) ; schålance pour hiérarchie (émission 900.000 Wallons, RTBF Namur) ; rabindlaedje pour réunion, congrès, colloque (association littéraire des Scriveus du Çante, La Louvière), synonyme de raploû (association littéraire Les Rèlîs Namurwès, Namur) ou rapoûlaedje (association littéraire La Wallonne, Liège) ; copiutrece pour ordinateur (Joseph Lahaye, Gembloux) ; noûmot pour néologisme (Yves Gourdin, Bertrix) ; rexhowe pour solution (Revue Li Ranteule) ; eplaider, eplaideu, pour publier, éditeur (Stéphane Quertinmont, Gilly), askepyî pour créer (dérivé de skepyi pour naître, mot local diffusé par l'association littéraire Les Walons Scrîjeûs d'après l' Banbwès, Fosse-la-Ville), Walon Braibant (Thierry Dumont, Fleurus) ou Roman Payis (association littéraire Les Sauverdias, Jodoigne) pour Brabant Wallon ; ridant pour répertoire (informatique) (Louis Baijot, Bièvre) ; indjolike ou agayolike pour électronique (André Gauditiaubois, Nivelles) ; bénvlant(e) pour bénévole (Pierre Otjacques, revue Coutcouloudjoû) ; ritripaedje pour réaction, réponse (Jean-Pierre Hiernaux, Louvain-la-Neuve).

A l'inverse, le manque de succès d'un néologisme peut provenir du fait qu'il répondait à des :

Faux besoins

En avril 1995, Charles Josserand présente dans la revue Djåzans walon une liste de néologismes wallons correspondant à des anglicismes du français : best-seller, bulldozer, flash, hit-parade, jogging, living, training.

Ceci peut être considéré comme un exemple de faux besoin. Le wallon n'est pas envahi par l'anglais, mais bien par le français. L'introduction de mots anglais en wallon est donc plutôt bienvenue, sur le principe que les ennemis de vos ennemis sont vos amis. Ainsi tout le vocabulaire du football s'est bien introduit dans le wallon au début du siècle, à tel point qu'il est considéré comme intrinsèquement wallon dans un travail basé sur la dialectologie traditionnelle comme le Dictionnaire des Parlers wallons du Pays de Bastogne cité plus haut. Outre les mots cités dans le Francard (bak, alf, cornêr ou corne), signalons également referé pour arbitre, tîme pour mi-temps ; obseyte pour hors-jeu, tacling pour tacle.

Le mot tacling peut être considéré intrinsèquement wallon par les techniques classiques des " témoins ". Il nous donne l'occasion de dire quelques mots de ce suffixe -ing, qui, pour moi, est loin d'être un ennemi pour le planificateur de wallon. En effet, s'il provient bien de l'anglais, il a été approprié par de nombreuses langues européennes. On a recensé plus de 150 mots de l'allemand moderne en -ing et 200 en français parlé. Ce succès est dû, me semble-t-il aux avantages suivants.

Tout d'abord, il est beau acoustiquement. La voyelle frontale i, comme nous l'avons vu, symbolise une chose petite, active, efficace. Quant au groupe ng, il n'existe dans les langues emprunteuses, et apporte donc de la variation, en plus de rappeler le ding dong joyeux des cloches. Ensuite, ce suffixe est valorisant socialement parce qu'il introduit toujours un concept nouveau, dans un domaine caractérisé par son dynamisme (brushing, briefing, factoring, marketing, lifting, timing, mailing, jogging, stretching, footing). Il est aussi économique : les mots qu'il forme n'ont généralement que deux ou trois syllabes. Il est intéressant fonctionnellement car il n'existe aucun concurrent naturel dans les langues emprunteuses désignant la répétition multiple d'une action efficace. En effet le suffixe -aedje (toumaedje / chute) désigne l'action simple, le suffixe -ance (tûzance / culture, identité) l'état, le suffixe -isté (tinrûlisté / tendresse, coehisté / calme) la qualité, le suffixe -a la répétition multiple, mais péjorative, et d'actes banaux : breya (pleurnichement) riya (fou rire), tanfla (essoufflement), hana (halètement), tchipta (piaillement).

Enfin, politiquement, en accueillant à bras ouvert cet emprunt de l'anglais dans le walon did dimwin, nous marquons notre différence d'attitude avec celle des défenseurs acharnés du français. En effet, une des grandes méprises qui a empêché le wallon de progresser en tant que langue, est la confusion entretenue depuis plus de 100 ans entre promotion du wallon et défense du français.

D'autant plus que les méthodes de la linguistique montrent que certains mots en -ing ont été assimilés par le wallon, parfois à tel point que suffixe -ing n'y est plus reconnaissable comme mètingue (meeting politique ou syndical). D'autres mots ont gardé le son ing et le sens premier, mais sont bel et bien wallons : brifing, tacling, camping, caravaning, parking, doping, listing. D'autres mots encore ont pris un sens en wallon qu'ils n'ont pas en anglais : living pour salle de séjour, zôning pour périmètre industriel, trinning (trin.ning) pour survêtement. C'est pourquoi nous avons créé quelques néologismes en -ing, dont l'un d'entre eux, adressing pour " liste d'adresses " ou " courrier envoyé à cette liste ", a un certain succès.

Quant aux mots comme best-seller, bulldozer, je préfère les emprunter et les réadapter (on bul, on bess-seleu) que d'utiliser des néologismes risquant de rester dans les oubliettes comme meyeu-vindou. Par contre le néologisme terasseuse proposé pour bulldozer pourrait être récupéré pour un nom collectif " engin de terrassement ". Va aussi, dans les propositions de Charles Josserand citées plus haut pour ravizite, pour check-up, rôlants-grés, pour Escalator, esse franc-djeu pour être fair-play.

Périphrases et changement de style plutôt que néologismes ?

Quand j'avais réfléchi à une forme wallonne pour best-seller, dans le cadre du travail Walo + (voir chapitre Le guêpier orthographique), j'avais proposé pour la phrase " Ce livre est un best-seller " : " Ci live la, i s' vind come des ptits pwins " ou encore " C'est un best-seller / c' e-st on live ki s' vind bén. "

Dans une correspondance récente avec Chantal Denis, où nous réfléchissions à l'intérêt de proposer des néologismes pour des mots comme " identité " ou " créativité ", j'estimais que dans le langage courant, en effet, des notions comme l'identité wallonne peuvent se traduire par des périphrases ou en changeant de style. Ainsi e passage d'un style verbal à un style nominal va permettre d'éviter l'écueil de la création de néologismes. Par exemple, essayons de traduire : " J'ai écrit ces articles en tant que contribution au développement du wallon de demain ". Ca donnera, en style nominal : " Dg' a script ces papis la po ene êdance å discloyaedje do walon did dimwin ", et en style verbal : " Dj' a scrît ces papîs la po-z aidî li walon did dimwin disclôre. " Second exemple " Il y a eu plusieurs agressions de facteurs quand ils venaient à la Cité des Gayolles à Gilly ". En style nominal : " I gn a yeu pluzieurs ratindaedjes di facteurs cwand i vnént ås Gayoles di Djilî ". En style verbal : " On ratindeut sovint les facteurs, cwand vnént åzès Gayoles di Djilî. "

Les secondes phrases, en style verbal apparaissent beaucoup plus naturelles, plus " wallonnes ", diraient ceux qui estiment, comme Lucien Léonard, que le wallon ne peut pas parler de choses abstraites. De même, Chantal Denis considère, dans sa lettre, que " Po dire " la créativité des Wallons ", dji metreve " les Walons ont d' l' idéye ! ". Je répondis : " Dins Waldim 12, dj' a splikî k' i gn aveut deus liveas din les mots : les mots do dimegne et les mots d' tos les djoûsLes Walons ont d' l' idêye ! ", c' est do walon d' tos les djoûs; li foirdjiveusté, c' est do walon do dimegne ki nos vénreut ben a pont po ratourner des fråzes come " La mise en oeuvre d'une stratégie d'encouragement à la créativité des Wallons ". A ç' moumint la, vosse perifråze ni sait pus si åjheymint siervi. (Dans la série Waldim, j'ai expliqué qu'il existait deux registres d'utilisation des mots le registre informel, ou mots de tous les jours, et le registre formel, ou mots du dimanche. " Les Wallons ont de l'idée, pour dire " ont de la créativité ", c'est le registre informel, le mot foirdjiveusté, la qualité de bien forger, c'est le registre formel, lequel registre est indiqué pour la traduction de phrases comme " La mise en oeuvre d'une stratégie d'encouragement à la créativité des Wallons ". Dans ce cas, la périphrase est d'utilité plus restreinte.)

Walon d' tos les djous et walon do dimegne (régistres formel et informel)

Nous retrouvons une problématique que nous avions déjà esquissée avec les deux traductions wallonnes pour ordinateur : éndjole et copiutrece. Bien sûr, la phrase ci-dessus pourrait également se rendre, comme réplique Chantal Denis, par " Les moyéns a dner ås Walons por zels si recrester ", littéralement, les moyens à donner aux Wallons pour qu'ils reprennent du poil de la bête. Mais, quand j'écris l'aberteke (les gros titres) de mon journal on line Walo-Net-Magazine, je n'ai pas suffisamment de place pour écrire une périphrase pour " culture wallonne ", ou " sens de l'initiative ". C'est pourquoi, je propose cette semaine (29-9-98) comme gros titres :

Nosse walone enondansté (notre esprit d'initiative wallon)

Aidez ceux qui n'attendent pas les subsides publics pour lancer des projets wallonophones : achetez notre calendrier wallon ; Nost årmonak walon. 250 FB au compte 001-2329421-42.

 

Nosse walone tûzance (Notre identité wallone)

Fir d' esse Walon... come on Suwèdwès (Fier d'être wallon... comme un Suédois) Les Walons el Suwède da Châle Massaux.

Si j'utilise une périphrase pour le mot " esprit d'initiative ", je détourne l'attention du ciberlecteur du message commercial qui doit l'attirer et qui, lui, doit être expliqué. D'autant plus que mon texte wallon doit avoir une traduction française immédiate. Si je traduis " Vive les Walons ki n' sont nén les dierins po-z enonder des noveas pordjets " pour " Vive le sens wallon de l'initiative ", il va se trouver des critiques pour dire que le wallon ne sait pas être concis.

Alors, devant le dilemme de se servir di mots a la chijh cwate deus (de mots " à la 6-4-2 "), ou de faire des périphrases dont la traduction française concise va se trouver juste derrière, je choisis, dans le cas de mes gros titres sur l'Aberteke, la première option.

Car chez le lecteur wallon moyen, mon public cible, quelle différence y a-t-il au niveau de sa compréhension entre :

Les mots anciens, les mots régionaux et les néologismes.

J'ai commencé à travailler intensément sur la néologie en wallon à partir de novembre 1993. En octobre 1995, soit après environ deux ans de réflexion, j'écrivais le 12e article de la série " Waldim " et l'intitulais " Les noûmots, ene problematike ki n' egzistéye dedja pus (por mi, todi) (Les néologismes, une problématique qui n'existe déjà plus, du moins en ce qui me concerne). Je déclarais ceci : " J'ai l'honneur de vous annoncer que je renonce à envisager les aspects lexicaux du wallon de demain en termes de distinction mot classique / néologisme. ".

Pour expliquer ma position, je pris trente couples mot wallon / mot français parmi des mots récemment rencontrés dans différentes investigations sur le wallon. Je les classais selon les critères suivants :

Le premier critère concerne leur existence écrite soit dans un dictionnaire, soit dans un lexique, soit dans des textes wallons. On y ajoutera aussi des mots classiques recueillis chez des témoins, et qui auraient donc pu se trouver dans les dictionnaires. Le second critère est la date d'apparition, soit avant 1900, soit après. Le troisième critère touche à leur compréhension par les wallonophones, soit immédiate et par tous, soit jugée facile, soit compris par tous mais uniquement dans une certaine région, soit non compris spontanément (à apprendre). Le quatrième critère s'intéresse à l'origine du mot : soit existence spontanée bien attestée, soit emprunt, soit un mot existant dont on étend le sens, soit une création néologique.

Nous avons ensuite classifié des 30 couples de mots au tableau suivant :

 

 

Couple de mots | Critère :

Attestation écrite

Date d'apparition

Compréhension spontanée

Origine

abayeye pour hypothèse

 

après 1900

à apprendre

néologisme

bik pour stylo à bille

 

après 1900

par tous

existe

bourse pour bourse (des valeurs mobilières)

dictionnaire

avant 1900

par tous

existe

cocreci pour aviculteur

 

après 1900

à apprendre

extension

cocreci pour volailler

texte

avant 1900

à apprendre

existe

crapåde pour nana

 

après 1900

par tous

extension

c(os)semaedje pour d'éparpillement

dictionnaire

avant 1900

facile

existe

hôtinnistè pour arrogance

dictionnaire

avant 1900

facile

néologisme

îpotéze pour hypothèse

dictionnaire

après 1900

par tous

emprunt

les ki-pôrént-z-esse gaztîs pour les journalistes potentiels

 

après 1900

facile

néologisme

martchî-ås-tites pour bourse des valeurs mobilières

 

après 1900

facile

néologisme

esse al nawe pour être en nage (en sueur)

témoin

avant 1900

à apprendre

existe

pår (pôr) pour pertinemment bien

 

après 1900

régionalement

extension

paradoxe pour paradoxe

 

après 1900

par tous

emprunt

påye pour charte

texte

avant 1900

à apprendre

existe

prinde astème pour faire attention

dictionnaire

avant 1900

régionalement

existe

prindia d' Babilone pour prise de Babylone

 

après 1900

facile

néologisme

s(i)cuziaedje pour écuanteur (inclinaison spéciale des roues en bois)

lexique

avant 1900

à apprendre

existe

seracuze pour herse à dents courbes

témoin

après 1900

régionalement

existe

sidateu pour malade du sida

 

après 1900

par tous

néologisme

sinsiûlisté pour sensibilité

 

après 1900

à apprendre

néologisme

sukî pour cosser (donner des coups de tête)

dictionnaire

avant 1900

par tous

existe

tank pour char (de combat)

 

après 1900

par tous

existe

taprece pour clavier

 

après 1900

facile

néologisme

tinrûlisté pour tendresse

dictionnaire

après 1900

régionalement

néologisme

waitroûle pour écran

 

après 1900

régionalement

extension

winnaedje (win.nadje) pour droit de passage

 

avant 1900

à apprendre

existe

voye zigzagrece pour chemin tortueux

 

après 1900

par tous

néologisme

ås zîvercôfs pour aux antipodes

dictionnaire

avant 1900

à apprendre

existe

zozotreye pour niaiserie

 

avant 1900

par tous

existe

 

Examinons ensemble la proportion de néologismes. D'après la définition classique du néologisme (mots non attestés, donc non présents dans les dictionnaires), nous avons 13 mots qui ne le sont pas, auxquels il faut encore retirer ceux qui sont signalés expressément comme néologismes dans leur dictionnaire ou lexique d'où ils sont tirés (îpotêze, tinnrûlisté, bourse et hôtinnistè). Il ne nous reste que 9 mots sur 30. On aurait donc 21 néologismes sur 30 mots soit 70 p. 100.

Par contre, si on considère qu'un néologisme est un mot formé après 1900, on aurait 18 néologismes sur 30, soit 60 p. 100. Si le décompte se fait à partir de la colonne 5, les mots classifiés néologismes, extension de sens et emprunt, sont au nombre de 12. On aurait donc, selon cette méthodologie, 40 p. 100 de néologismes. Cette divergence, presque du simple au double, nous illustre bien le peu de consistance de la notion de néologisme.

La colonne 4 nous permet de sélectionner les mots opaques, non compris par la plupart des locuteurs. Il suffit de retirer les mots compris par tous ou faciles à comprendre. On a 16 mots difficiles soit plus de 50 p. 100. Mais - ô surprise ! - cette sélection contient 5 des 7 mots considérés précédemment comme des mots wallons classiques et non des néologismes (ås zîvercôfs ; prinde astème ; sèracuze ; esse al nawe ; s(i)cuziaedje). On arrive ainsi à la conclusion que, dans une liste de mots wallons, il y a autant de mots opaques parmi les termes classiques que parmi les néologismes.

Quand vous vous promenez dans la base de données de notre Diccionaire di tot l' walon, qui regroupe 16 dictionnaires des 4 régions linguistiques wallonnes, même si vous êtes un calé en wallon, vous allez trouver une foule de mots que vous ne connaissez pas. Allez-vous considérer ces mots comme le domaine des spécialistes et refuser de les utiliser ? La similitude de traitement entre un mot classique peu connu et un néologisme opaque est bien comprise par les jeunes promoteurs du wallon, comme l'indique ce passage de La Dépêche de Wallonie (09-1995) " Enfin, nous essayerons, afin de ne pas rebuter de nouveaux locuteurs, de faire suivre chaque texte d'un lexique reprenant les archaïsmes ou au contraire les néologismes. "

Mais enfin, s'il existe déjà tant de mots difficiles en wallon classique, pourquoi encore en rajouter en créant des néologismes non directement compréhensibles ?

Indications et contre-indications des néologismes opaques.

Partons d'une langue bien connue de la plupart d'entre nous : le français. Tous les mots que vous utilisez en français aujourd'hui, les avez-vous appris de votre mère et de votre entourage familial ? Non, n'est-ce pas ? Il s'est donc présenté à vous, et il se présente encore chaque jour, des néologismes. C'est impressionnant par exemple le nombre de mots qui vous semblent classiques du français et non reconnus comme français par les dictionnaires des traitements de textes. Par exemple, dans seulement les 6 premières pages de ce chapitre : supraconducteur, tenderie, préfané, anti-néologie, mommificateur, diffusibilité, pan-wallon, IBM-compatible.

Pourtant, ces mots, vous les intégrez soit dans votre français actif, c'est-à-dire que vous les redites (mec, nana, pauvre type, CD, BD, tu te tires, super cool), soit dans votre français passif : vous les comprenez immédiatement quand vous les lisez une autre fois (subrepticement, intrinsèque, convivial, politique politicienne). Alors, pourquoi pas en wallon ?

Certains néologismes transparents peuvent être utilisés en wallon actif, dont la liste suivante : zozotreye, ipoteze, tank, bourse, sidateu, bik, ki-pôrént-z-esse, zigzagrece. Les néologismes transparents savants (paradoxe, taprece) et les néologismes opaques (abayeye) seront d'abord utilisés en wallon écrit. Tout comme les mots classiques originaux, eux aussi souvent opaques, ils donnent de la valeur à votre texte. Néanmoins, ils doivent être explicités soit dans un lexique, soit entre parenthèses dans le texte même. Ce qui les rend transparents !

Les meilleurs d'entre eux pourront ensuite conquérir le wallon parlé avec le développement d'un discours formel en wallon. C'est déjà le cas actuellement pour des mots qui, il y a peu, auraient été classés comme régionaux : raploû pour réunion, qui a détrôné rèyunion, soce pour société, aux dépens de sôciètè, cwårlî (cårlî) pour trésorier, adjinçner pour organiser, r(i)fondaedje pour normalisation linguistique, r(i)fondou walon pour langue wallonne écrite commune, faflote pour apostrophe, papî pour article, copiutrece pour ordinateur. Par exemple, les deux premiers mots ont été adoptés immédiatement par la Soce des Rcåzeus d' Walon (voir chapitre de Louis Baijot), alors qu'ils étaient ignorés, au départ, de la plupart des membres. Par contre cwårlî n'est pas passé, car il est opaque en Sud-wallon (on y dit des sous et non des cwårs).

Mais, si nous conseillons d'utiliser des mots wallons typiques, anciens ou nouveaux, nous ne prônons pas la suppression des termes francisés qui se sont introduits en wallon. Au contraire, nous souhaitons maintenir deux synonymes vrais : un mot transparent et son équivalent opaque. Par exemple bourse et martchî-ås-tites pour bourse de valeurs mobilières. Pourquoi cette attitude, qui contraste avec celle des waloneus classiques, qui faisaient la chasse aux sorcières aux mots francisés ?

Tout d'abord parce que leurs indications respectives peuvent être différentes : conversation informelle pour bourse et article dans Li Ranteule pour martchî-ås-tites. Ensuite, dans un intérêt stylistique, pour éviter les répétitions, comme je l'ai fait tout au long de ce chapitre avec néologisme, mot nouveau, et même noûmot et novea mot. Un exemple en wallon : Ersè, li dolår a baxhî d' 5 yen sol bourse di Tokio. Paradoxalmint, les ôtes martchîs-ås-tites d'Azeye n' ont nén bodjî. Dispu ki l' BEL 20 a rmonté d' 5 procints d' on plin côp, les boûssicoteus ont ravoré sol martchî-ås-tites di Brussele. (Hier, le dollar a baissé de 5 yens à la bourse de Tokyo. Paradoxalement, les autres bourses asiatiques n'ont pas bougé. Depuis que le BEL 20 a grimpé de 5 % en une seule séance, les boursicoteurs se sont précipités à nouveau sur la bourse de Bruxelles.)

Un autre intérêt de conserver les deux mots est d'éviter la succession de plusieurs mots opaques dans la même phrase. Li " Dow Jones ", c'est l' mezura del bourse di New-York. (Le " Dow Jones ", c'est l'indice de la bourse de New-York)

Le troisième usage de la forme empruntée est pour traduire l'adjectif " boursier " sous forme de locution adjectivale " de la bourse ". On dira : " Tos les corwaiteus del bourse ni voeyet nén ça d' on trop bon ouy (Tous les analystes boursiers ne voient pas ça d'un trop bon oeil). Utiliser la locution adjectivale do martchî-ås-tites pour " boursier " serait trop long, en opposition avec notre règle des longueurs similaires et, dans la phrase précédente, conduirait à la juxtaposition de deux mots opaques.

Conclusion.

Le problème du vocabulaire du wallon de demain se pose dans les termes suivants.

Il existe un pool de mots wallons que je possède pour parler en wallon de n'importe quel sujet. Il existe aussi de nombreux vides, et des zones beaucoup trop francisées. Pour combler ces vides, ou walloniser ces zones, je peux soit puiser dans les mots wallons déjà existants mais méconnus, ce que nous venons d'appeler mots classiques opaques, éventuellement réadaptés à ma phonologie régionale. Je peux aussi chercher dans des ressources déjà existantes chez les locuteurs, mais non encore intégrées dans les dictionnaires ; c'est ce que nous avons nommé les néologismes transparents existants. Enfin, je peux utiliser des mots proposés par des spécialistes, qu'ils soient transparents ou opaques, s'ils me plaisent pour une raison ou une autre.

Tous ces combleurs de vide, encore absents des dictionnaires, doivent être repérés et compilés par les lingue-ehåyeus, et les meilleurs être intégrés aux dictionnaires à venir. Les meilleurs seront ceux qui auront été diffusés et adoptés par un grand nombre de Wallons.

Il n'y a plus de néologismes : il n'y a que des mots wallons : connus, méconnus, peu connus et à faire connaître.

Les noûmots e walon

Clode Hagège, c' est on grand linwincieus dins ene des univ di Paris. Si mestî : studyî les rovyîs lingaedjes, ki ça lzî pind å nez di disparexhe divant waire. Endè va låvå e l' Afrike, låvå e l' Azeye avou si eredjistreu, ses micros et tot l' sint-fruskin, eyet mete dins l' boesse li vwès des djins ki dvizèt co des formagnîs lingaedjes, u mancîs (man'cîs) lingaedjes (langues menacées).

Tos les lingaedjes del bole ont todi edvinté des noveas mots po-z alomer les noûs cayets k' i rescontrént (donner une appellation aux objets neufs). Inla, cwand Clode Hagège a ralé pol deujhinme côp amon les Bamun do Camerun, avou tote si éndjolreye po-z eredjistrer (matériel d' enregistrement), i lyi avént trové on no po ci bataclan la : li tabeur-åzès-cåzaedjes (tambour-à-paroles).

Vo chal don on modele di çou k' c' est k' on noûmot. C' est on mot k' ene sakî dit pol prumî côp, et ki s' sipåde après dins tot l' lingaedje.

Mins, si nos vlans vey ene miete pu lon k' el betchete di nos solés, tchaeke mot ki nos nos endè siervans, ça a stî, on djoû, on noûmot. Poy ki (puisque), la 2000 ans did ci, gn aveut nén on fayé mot d' walon u d' francès dins li " Gåle beldjike ". Les djins cåzént tertos gayel (celte, gaulois).

Bén dabôr, nos fårè rastrinde li definixha. Et s' dirans dju : " on noûmot, c' est on mot k' a skepyî e walon etur 1900 et ouy (1999) ". Mins ça n' vout nén co dire tcherete.

Comint pout on adjinçner on noûmot ? Gn a, al boune, cwate mwaissès manires po des noûmots skepyî. Po cmincî, vos avoz li stindaedje do sinse. Metans : atôtchî ene sakî, c' est, aprume, adresser la parole à quelqu'un. Si on l' uze dins l' sinse di communiquer, come nosse bon mwaisse Emile Gilliard, on a on novea mot pa stindaedje di sinse. Vloz co ds ôtès egzimpes ? Li mot cawete, ki vout dire petite queue, est pris po tourner e walon li francès suffixe. Del minme manire : betchete, pointe, divént préfixe, bodje, tronc est metou po racine, radical d'un mot.

Li deujhinme manire, c' est l' aparintaedje. On pout foirdjî des parints (des dérivés) tot acawant (en ajoutant un suffixe) : " machine a laver " dene " machinêye " (pile de linge à lessiver); " tinre " (tendre) baye " tinrûle" (capable d'être tendre) et did la, " tinrûlisté " : (capacité d'être tendre, tendresse). Ci mot la aveut ddja aspité mon les scrijheus lidjeus del fén des anêyes 1800, come l' a rilvé li mådjuster Morice Piron en on papî : Formation de la langue littéraire des écrivains liégeois.

On pout co fé des noveas mots tot abetchtant (en ajoutant un préfixe). A pårti di " vey " (voir), dj' alans askepyî " forvey " (voir quelque chose qui n'existe pas), et did la, " forveyou " (virtuel) eyet " forvuzion " (hallucination). Ci-chal est on mot k' on grand scrijheu walon, portant mo wårdiveus, li Bêrt Maquet, a uzé lanawaire pol tite d' ene ramexhnêye di rimas (recueil de poèmes).

Po fini, mins c' est pus råle (rare), on pout scawer (couper un morceau) l' mot, çou k' les sincieus lomèt e francès dérivation régressive, et en inglès : back formation. Metans, " ene racuzete, on racuze-pote " (un enfant rapporteur) pout divni ene racuze po un 'indic' (indicateur au service de la police, délateur). " Des racsegnmints " plèt divni " des racsegnes " (des infos).

Li troejhinme mwaisse-manire di foirdjî des noûmots, c' est l' acolaedje. Gn a pluzieurs sôres d' acolaedje possibes. Po cmincî, èn addjectif et on no : noû + mot va dner " noûmot " po néologisme (come " tinroxh " os tendre = cartilage, u " cronzoxhea " os tordu = vertèbre). U s' prindrè-t on on viebe et on prono : radjiver (récolter et faire une liste) + tot va foirdjî " radjive-tot åzès noûmots " (office des néologismes) sol modele di ratind-tot, raploû-tot, broye-tot, mele-tot. Èn ôte acolaedje : ene divancete (préposition) + on viebe : a + lére nos va bayî " alére " : do l' alére (de la lecture, des documents à lire); do l' avey (des choses à voir, des attractions touristiques) sol tcherpinte di " do l' amagnî, do l' aboere, do l' afé " (nourriture, boisson, chose à faire).

On sait co aplaker on viebe avou si coplemint. Il è pout rexhe " plake-tot-seu " (autocollant), on noûmot dedja ben spårdou dins tote li Walonreye. Al fén, on pout prinde deus nos, et les mete li deujhinme divant l' prumî, come dins les lingaedjes tîxhons (germaniques) et mwints nos d' plaece et d' djins d' avår ci. Metans " pî-note " po note de pied de page tot ratûzant : pî-schaye, pî-wå, pî-bate, pî-stok (ardoise et botte de seigle du bas du toit, extrémité du fouet, piédestal), tot mots raglenés pa Djan Hôss dins si clapant Dictionnaire liégeois.

Mins li manire li pus åjheye po des noûmots si stitchî en on lingaedje, c' est seur tot estant calkés d' èn ôte lingaedje. Sapinse Lorint Hendschel, les mots sont des grands voyadjeus. Li calcaedje si pout fé tel quel come po pizza, ninja, cargo, corida, maboul. Ucobén les mots seront rwalonijhîs spotanémint (adaptation phonologique spontanée), come po fotbal, metingue (meeting dans le sens de manifestation ouvrière ou électorale), lanchtoûne (allemand landsturm, surveillant, ange gardien, commis civil des Allemands à la 1e guerre mondiale).

Les djonnes ricåzeus et raprindisses, et co les linwe-ehåyeus, les cis k' etcherpetèt li walon did dimwin, si vont siervi voltî di ci sôre di radaptaedje la po fé leus noûmots : copiutrece (computer, ordinateur) ; etegrisse (intégriste), govienmint (gouvernement). C' est çou k' on lome el linwyince (en linguistique) l' adaptation phonologique planifiée.

Asteure, riloucans çou ki s' a fwait polbon so les 200 dierinnès anêyes.

Lapalisse åreut bén yeu dit ki, divant l' arivêye do tchmin d' fier, gn aveut nou mot po cåzer di machine, di beye, di pikeu (locomotive, traverse, poinçonneur de présence). Parey po les fosses a tcherbon, les schayires (ardoisières) et vos nd åroz. Portant, nos grand-parints si siervént d' ene banslêye di mots walons po djåzer di l' ovraedje tecnike e beur (puits de mine) u dins les cårires. Ça vout dire ki c' est zels k' els ont foirdjî et ki ça si fjheut tot naturelmint.

Les dierins noûmots k' ont askepyî (se sont créés) spotaneymint e walon, ça a dvou-z esse, dandjureus, inte les deus gueres : fotbalisse, corne (coup de coin, au football), tévé (télévision), plake (disque), siracuze (herse a dents courbées). Gn a eto ene cåkêye (foison) di noûmots k' ont aspité dins l' francès d' Beldjike, et ki sont don ostant walons k' francès : farde, bik, tank, tchén-bessî (collie écossais), spirou (B.D.), mobilofone (téléphone portable), friteure (friterie).

Dispu 1950, les Walons, metous divant l' bouye (tâche) di lomer des noveas cayets e walon, prindèt carémint les mots francès. On fjheut çoula dispu lontins, mins davance, on les rwalonijhive mo voltî : scançon (scan'çon) (caleçon), årmonreye (auron'rèye) (harmonie), Walonreye (Walon'rèye) (Wallonie). Les dierins timps, nonna : on n' riwalonijhe pus. Tot foytant li Diccionaire des Pårlers do Payis d' Bastogne, mins ddja dvant ça, li Scius di Måmdey, on ndè pout trover des trûlêyes, di mots riprindous todroet do francès. Metans " ecspropriyâcion " n' a nén divnou, divins li boke des temons da Mitchî Francard u da Houbiet Scius, " esprôpriyaedje ", li foûme ki sereut " normåle " ey erîlêye (régulière) e walon.

Dispu cénk ans, al boune, les djonnes k' ont apougnî et bressî dins (prendre à bras le corps) li schapaedje do walon prêtchèt tos tchamps tos payis po les djins fé des noveas mots, et s' endè siervi. Des rvowes e walon come " Li Chwès, " " la Dépêche de Wallonie ", " Li Ranteule ", et pus timidmint " Djåzans walon " eyet " Coutcouloudjoû " eployèt co mo (très) sovint on noûmot u l' ôte. Mî : end a sacwants k' ont passé dins li novea live di mots do Payis d' Nameur da Lucyin Somme, portant nén foirt tchôd po tos les candjmints.

Rivnans a nosse mådjuster Hagège. On bon noûmot, erva-t i co, c' est onk ki les djåzeus comincèt a s' endè siervi a tot côp bon, et k' on-z a rovyî kî çki l' aveut edvinté. Vo vs è chal sacwants di ci sôre la pol walon : ploncaedje (sondage), éndjole, djindjole, agayon, copiutrece (ordinateur), schoûteu(se) (auditeur, trice), mwaisse del djowe, essinneu (è-sin.neû) (metteur en scène), emile, emiler (e-mail, envoyer un courrier électronique), plake lazer (C.D.), deure plake (disque dur), tuzance (culture, identité), schålance (hiérarchie). Gn a, avou, des mots ki sont rcopyîs tels quels pask' i sont eternåcionås : les medias, on cheke.

Po k' on noûmot polixhe adierci si côp, et s' cossemer (diffuser) pattavå, po bén fé, fåt k' i soeye la po nos ahessî (qu' il soit disponible) divant ki li cayet (l'objet) ni divnaxhe conoxhou pa tertos. Boutans, si on vôreut " lomer walon " li nouve manoye di l' Urope ki rexhrè torade, c' est asteure et sins tårdjî k' i nos fåt cmincî pa spåde on no walon. Pocwè nén uroliård po euro, eyet uromastoke po eurocent ?

Dins vint ans, mes djins, on n' sårè pus ki c' est vozôtes k' a-st enondé ces deus mots la, e 1999.


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