Langues de Wallonie

Les langues régionales, parlées en Wallonie, constituent, d'après nous, un patrimoine d'une valeur inestimable. Parce qu'elles sont vivantes, évolutives. Si l'on parle de " racines ", il est bien évident que le langage en est une, plus importante encore que les châteaux, moulins et églises bâtis par nos ancêtres. Ces langues régionales ont survécu malgré les persécutions dont elles ont fait l'objet depuis plus de 2 siècles. Nous disons bien de " persécutions ". L'auteur de ces lignes, comme tous ses contemporains, a subi la dure loi scolaire selon laquelle l'emploi de la langue wallonne était sanctionné, à l'école comme, d'ailleurs, au domicile familial.

Il est bien évident que cette répression féroce a affaibli l'usage du wallon, combattu comme défavorable à une progression sociale. Ce qui est remarquable, c'est que, dans un environnement culturel aussi néfaste, on parle encore wallon, picard, gaumais et que les salles de spectacles affichant des programmes " dialectaux " (comme on dit...) font toujours le plein de spectateurs. Et que de plus en plus de troupes théâtrales de " jeunes " se présentent sur les planches.

C'est d'ailleurs un de nos agréables étonnements : lorsque l'on parle du wallon, par exemple, à des jeunes issus de familles d'immigrés, ils sont, immédiatement, à l'écoute. Ils posent des questions, demandent à apprendre les expressions wallonnes. Il est bien connu que les travailleurs italiens venus participer à la " bataille du charbon " et leurs enfants sont parmi les meilleurs locuteurs de notre langue. Chez les jeunes maghrébins, c'est un phénomène de curiosité qui joue. Avec, en plus, pour les jeunes d'origine berbère et non arabe, une nostalgie pour l'effacement, chez eux, de la culture qui leur est propre, en tous cas en matière linguistique.

La langue que j'ai héritée de mes père et mère, de ma famille, c'est un trésor que je veux léguer à mes petits-enfants. Il ne s'évalue pas en Euros ni en promotion sociale. C'est une richesse en dehors des valeurs monétaires, inestimable. C'est un sentiment partagé par toute l'équipe de l'association " Vivre en Wallonie ". Aussi, un de nos chevaux de bataille est la défense et la promotion des " langues régionales ".

Un des acteurs bien connus de la lutte pour la remise en honneur de la langue wallonne est Lucien Mahin. Il s'est fixé un objectif ambitieux que nous ne pouvons qu'approuver : arriver à une uniformisation de la langue wallonne. Car il est vrai que l'un des problèmes de l'usage écrit du wallon, c'est la multiplicité de ses expressions. Oralement, ce n'est pas vraiment une difficulté : après une demi-heure de contact, tout le monde se comprend. Pour l'écriture, c'est plus complexe. Déjà que le wallon est, traditionnellement, une langue parlée, dont les usagers assimilent difficilement l'expression écrite ... puisqu'on ne le leur a jamais apprise ! Avec, à la base, ce déficit de compréhension d'écriture, vouloir instaurer une langue wallonne uniforme constitue un combat de (très) longue haleine. Lucien Mahin, avec notre ami Laurent Hendschel et quelques autres, s'y est attelé courageusement.

Nous ne pouvons pas, cependant, cautionner le message qu'il nous a fait parvenir en cette fin du mois d'avril et que nous reproduisons dans son intégralité :

" Félicitations pour votre rubrique(dans notre " Lettre de Contact ", ndlr) en langue wallonne, qui s'étoffe de plus en plus.

À ce propos, je n'aime pas le titre " langues régionales ". C'est une manière de plus d'éviter de prononcer le terme " wallon ". La seule langue régionale identitaire viable en Wallonie est le wallon. La nomenclature " langues régionales " est une arme de déstabilisation créée par la Communauté française. Ils reconnaissent même 8 " langues régionales " en Wallonie-Bruxelles, dont le " ripuarien " (dialecte francique de 5 villages près de Verviers), le marollien, le champenois (3 villages).

Il est clair que seul le wallon avec ses 2.000.000 et plus de locuteurs potentiels (population habitant dans la zone traditionnelle berceau de la langue) peut passer le cap du 21ème siècle si ...

Les autres langues romanes (picard, etc...) ne sont pas " gérables " de Wallonie. Elles dépendent de l'attitude des vastes zones de France où elles sont (étaient) pratiquées.

L'autre langue régionale (d'après la classification CF) viable à long terme (100 ans) est le luxembourgeois, lui aussi dépendant de l'extérieur. Je ne pense pas que vous mettriez des articles en luxembourgeois dans votre rubrique " langues régionales ".

Donc, je vous propose d'utiliser le terme " wallon " pour votre rubrique wallonne. Trouvez une belle formule qui puisse l'inclure.

Concernant le contenu, il est possible d'y insérer aussi, à côté des billets d'humeur repris du " Chwès " (très bonne idée !) et des textes littéraires divers, des réflexions en wallon, du même niveau intellectuel que les contributions de la partie française. Elles peuvent être reprises du site " L'Aberteke " (http://aberteke.walon.org), du journal " Li Ranteule " ou du journal électronique " Rabulets ", ou, encore, des entrées encyclopédiques du Wikipedia wallon (http://wa.wikipedia.org/wiki).

Le wallon ne vivra que s'il sert à quelque chose, entre autres à débattre sur la Wallonie d'aujourd'hui ".

Nous ne répondrons pas entièrement, dans ce courrier à toute l'argumentation de Lucien Mahin. Nous comptons, amicalement mais fermement, revenir à ce dialogue électronique dans les tous prochains jours. Nous voulons, en tous cas, préciser dès à présent, quelques points fondamentaux de notre démarche.

  1. L'expression " langues régionales " a notre préférence parce qu'elle remplace celle, utilisée jusqu'ici à tort et à travers, de " dialectes " ou, pire, de " patois ".
  2. Nous nous refusons à établir une hiérarchie des langues régionales utilisées en Wallonie. A ce compte-là, pourquoi ne pas en inventer une entre les différentes formes de wallon ?
  3. Si, Lucien, nous accepterions volontiers des textes en luxembourgeois et nous sommes ardents demandeurs de textes en picard - ce picard qui connaît un renouveau vigoureux et spectaculaire de vitalité en Hainaut occidental-, en gaumais, en champenois.

Cela dit, il est bien vrai que certains, à la Communauté française, n'ont de cesse de tenter de diluer la langue wallonne dans un magma informe de produits de folklore. Et nous ne connaissons qu'une véritable formule à opposer à cette insidieuse nouvelle agression contre notre langue : la parler nous-mêmes, quotidiennement, en tous lieux et en toutes occasions.

A bientôt. Promis.

" Vivre en Wallonie " asbl


Envoi N° 94 du 17/05/2005 de l' ASBL " Vivre en Wallonie ", 85 rue des Fougères, 6110 Montigny-Le-Tilleul

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