ON lingaedje pol Walonreye ?

UNE langue pour la wallonie ?

par Marcel SLANGEN

 dierin rapontiaedje - last update: 2006-08-10.

 

Lors du dernier Congrès quadriennal de l'Union Culturelle Wallonne qui s'est tenu en février dernier, un intervenant avait soulevé la question du wallon unifié, à l'instar des diverses langues aspirant à une reconnaissance officielle, ou qui l'ont obtenu récemment.

Dans sa réponse, le Président du congrès avait estimé que si l'on ne pouvait prendre position sur le champ à propos d'un tel problème, l'Union Culturelle Wallonne ne pouvait non plus ignorer son existence.

C'est ainsi qu'un groupe de travail va être constitué afin d'étudier sereinement cette proposition.

N'attendez donc pas de ma communication d'aujourd'hui une réponse, ni même une position personnelle, mais bien plutôt une invitation à la réflexion, aussi peu passionnelle que possible sur une question qui a soulevé déjà tant de controverses.

il faut avoir tous la lucidité nécessaire pour laisser de côté toutes les réactions affectives, car aucune solution ne pourra être trouvée sans une analyse préalable de l'état des langues régionales et des objectifs que l'on veut poursuivre.

Ce n'est pas mon propos de dresser un état de la langue, mais on peut en revanche poser clairement la question des objectifs de ceux qui défendent aujourd'hui la langue wallonne

Veut-on perpétuer le wallon comme "langue du cœur", ce qui revient à dire, moins poétiquement, retarder une issue fatale qui finira bien par survenir ?

Dans ce cas, il est oiseux de soulever le problème de l'unification : chacun tient trop passionnément au wallon de son terroir et, par exemple, le Liégeois ne manque pas de trouver plus grossier que le sien le wallon de Seraing, à moins de dix kilomètres de chez lui !

Veut-on, deuxième hypothèse, entourer de ses soins une langue morte, en réservant son écriture à un cénacle de philologues et d'écrivains qui se délectent de la moindre particularité ?

Dans ce cas non plus, le problème de l'unification ne se pose pas : l'écrivain se soucie peu d'être compris ailleurs. Si son œuvre est de qualité et que d'autres veuillent en profiter, les traducteurs assureront sa compréhension dans d'autres dialectes, voire dans les langues étrangères.

Le risque de cette hypothèse est de voir un jour le nombre des lecteurs égaler celui des auteurs...

Veut-on au contraire affirmer que le wallon est une langue vivante, un signe d'identité pour une Wallonie en train de naître politiquement ?

Veut-on simplement qu'elle continue à être une langue

véhiculaire autant que littéraire ?

La question d'un wallon unifié ne se pose que dans ces derniers cas.

Toujours sans apporter de réponse, je me contenterai d'énoncer quelques faits, quelques évidences que l'on se doit d'étudier sous peine de faire le mauvais choix au moment décisif.

Premier fait : il faut bien constater une volonté d'unification partout une communauté veut affirmer son autonomie: en Espagne, le catalan, le basque, le galicien; le romanche en Suisse, l'occitan en France ...

Si l'on veut aller au bout de cette logique, il faut reconnaître, avec les autonomistes de Galice, què, même cofficielle, la langue dominée est condamnée à terme, ce qui les amène à revendiquer l'unilinguisme galicien.

Deuxième fait : la forme unifiée de la langue concerne exclusivement la langue écrite et plus spécialement l'orthographe et le lexique, ce qui écarte d'emblée les réticences affectives relatives à la langue parlée.

Troisième évidence : il est exclu d'envisager l'unification sur base d'un seul dialecte, quels que soient ses avantages : ce serait recréer une situation d'impérialisme comparable au dialecte de l'Île de France. Et c'est un Liégeois qui le dit ...

Quatrième évidence : une autorité normative, académie ou institut de normalisation, serait indispensable : laisser l'imagination au pouvoir pour la création de néologismes, pourtant indispensables, si l'on veut que la langue vive, ne tarderait pas à mener à la confusion.

L'amusant "plake-tot-seû" liégeois pour autocollant ne manquerait pas de créer l'émulation à Namur et à Charleroi !

Cinquième fait : le picard et le gaumais ne sont pas du wallon. L'oublier serait rendre périlleuse toute tentative d'unification, sur le plan linguistique.

Il faut admettre à cet égard que la linguistique et la politique ne coïncident pas, pas plus que le droit des peuples, d'ailleurs. Autant il est normal , dans le cadre de l'actuel Etat belge, que la Wallonie regroupe les Picards et les Gaumais, autant il est compréhensible que linguistiquement, ces derniers se tournent vers la France. Mais il faut dire que nous ne détenons pas le monopole de la difficulté. Le Val d'Arà, qui est une partie de la Catalogne politique, a sa langue propre.

Enfin, il faut être conscient que, dans un tel domaine, seule la volonté compte, car, techniquement, tout est possible.

De ce point de vue, on se reportera utilement aux travaux de Jean Germain et de Laurent Hendschel qui seront précieux pour la future commission de l'Union Culturelle Wallonne.

Vous n'avez pas manqué de remarquer le point d'interrogation qui figurait dans le titre de ma communication.

Je crois qu'il est important d'ouvrir la discussion, de tracer des axes de réflexion, et de dédramatiser le problème, en rassurant les adversaires épidermiques, mais aussi de ne pas cacher aux partisans résolus d'une langue unifiée les difficultés qui jalonnent la route à parcourir.


Marcel SLANGEN

Vice-président du Centre de Recherche et d'information du wallon à l'ecole.

Actes du Colloque "Nos langues et l'unité de l'Europe", U.C.W., 1990


 Metaedje so les fyis : Djôzef Mahin, li 10 d' awousse 2006.


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