Ké walon po dmwin ?

L'idéologie régulatrice du rapport à la langue.

La Divine Enfant, la Marâtre et les Naïfs

Elle est née la divine enfant !

L'an 1856 célèbre le vingt-cinquième anniversaire du règne de Sa Majesté Léopold I, Roi des Belges. En hommage, la société philanthropique "Les vrais Liégeois" offre un concours de poésies et de chants en langue populaire. Le succès incite les promoteurs à poursuivre. Avant la fin de l'année donc, dans un local prêté par la Gendarmerie, un groupement nouveau est fondé en vue de promouvoir plus continûment l'expression de qualité en "patois". D'office, certains y voient une "manoeuvre contre la langue française". Mais ainsi naquit - en français dans le texte - la "Société liégeoise de littérature wallonne" ou SLLW (Fauconnier J.L. : Du côté des groupements littéraires wallons, in La Revue Générale, n° 5/1998, Duculot, Louvain-la-neuve, pp.73-83).

L'extension rapide des activités à la Wallonie entière, la fera, en 1909, rebaptiser "Société de littérature wallonne". Depuis 1946 et jusqu'à nos jours, elle sera la "Société de langue et de littérature wallonnes", référence faite à l'importance de ses travaux linguistiques, philologiques et dialectologiques. La Société se dira d'ailleurs "académie sans en avoir le nom".

Depuis ses premiers moments, la Société s'imposa comme un devoir l'étude scientifique de la langue, la promotion de son usage et le soutien à sa diffusion. Unifiant l'orthographe, toilettant le lexique, fixant la grammaire et introduisant les néologismes nécessaires, elle accomplit ainsi l'oeuvre prévue, indispensable pour transformer un parler réduit à de rares usages littéraires en un instrument de culture et de communication apte à répondre à toutes les nécessités d'un peuple qui prend place, avec sa physionomie propre, dans la complexité de la vie moderne. Voilà, ni plus ni moins, à quoi oblige la noble folie de l'idiome, quand on s'enorgueillit d'en disposer..

Mais... trêve de fiction, ce dernier paragraphe n'est pas histoire ou, plus exactement, n'est - pour le contraste - qu'histoire d'une autre académie contée au Prologue du Diccionari de la Llengua catalana (Diccionari de la llengua catalana, Institut d'Estudis catalans, Edicions 3 i 4 / Edicions 62 / Editorial Moll / Enciclopèdia catalana / Publicacions de l'Abadia de Montserrat, Barcelona/Palma/Valencia, 1995). Le hasard des langues, déjà, est piquant là où la finale catalane quan es galleja de tenir-la (traduite comme "quand on s'enorgueillit d'en disposer"), contient littéralement le verbe "gallejar", du latin "gallus", qui signifie exactement "faire le coq", soit s'enorgueillir ou "si racrester" (relever la crête).

La SLLW donc, dès ses origines, gloussa autrement. Certes, dès 1857, le secrétaire François Bailleux confirmait que le but de la Société était bien de conserver sa pureté à l'"antique idiome", d'en fixer l'orthographe, la grammaire et les règles de versification, d'en composer le dictionnaire et d'en étudier les rapports avec les autres branches de la langue romane. Mais il désignait d'office l'objet de la Société comme "patois". Et, répondant aux critiques, il concluait immédiatement : " Qui de nous a jamais eu le désir insensé de détrôner la langue française, de détourner de son étude ou de lui créer un antagonisme? " (in Fauconnier, o.c., p.75).

Voilà le wallon reconnu dangereux, et la mauvaise intention niée. Mais pareille réponse, écho parfait de l'accusation et prototype de tant d'autres répétitions par la suite, ne débusque ni ne conteste en rien le postulat implicite de la critique, lequel pourrait s'approximer comme suit : " en présence de plus d'une expression linguistique, tout développement d'une autre, voire sa simple subsistance, ne peut qu'attenter à celle que l'on considère; en conséquence, pour le bien de cette dernière, il convient de réduire l'autre, voire de l'éradiquer ".

Voilà donc, contrairement à la tradition plurielle prêtée quelquefois à l'usage des langues en Wallonie, le postulat idéologique du totalitarisme linguistique, principe de la guerre linguistique et négation de toute alternative pluri-linguistique, voire pluri-culturelle. Sans doute un tel postulat fut-il central - et l'est-il encore - dans l'histoire et pour la dynamique culturelle, sociale, politique, voire économique de la Wallonie et de ses gens.

Au demeurant, la réponse offerte au nom de la Société est parfaitement conforme aux faits. Certes, on ne peut embrasser tous ses membres dans la déclaration prêtée à André Delchef, première Médaille d'Or en 1857 : " Le wallon agonise et ce n'est pas un crime de le laisser mourtir de sa belle mort " (in Werner J. : Notre langue wallonne : quelles chances d'avenir ?, Fopes, UCL, Louvain-la-neuve, 1997, p.43).

Mais les vérités suivantes doivent être dites. Si la Société s'engagea dans l'étude scientifique de la langue, ce ne fut pas pour en promouvoir l'usage ni la diffusion dans la vie pratique (au contraire, on établit même des lexiques techniques soutenant le transfert du wallon au français). Si la Société s'efforça, avec zèle et succès, de susciter des oeuvres de qualité en langue wallonne, ce ne fut pas pour faire du parler propre un instrument de communication approprié aux besoins de la vie moderne; on y préféra systématiquement l'emprunt du français. Si la Société considéra, ce faisant, un peuple à affirmer avec sa place et sa physionomie propre ce ne fut pas celui des gens de Wallonie mais un peuple à produire comme "belge", donc à franciser. Si, enfin, la Société et ses membres vibraient de la passion d'un idiome dont ils s'enorgueillissaient, ce n'était pas le leur, lorsqu'ils troquaient leur wallon natif pour langue française, ni celui des gens de leur pays, lorsqu'ils appartenaient à des familles plus anciennement francisées, îlots dans un monde ou tous devisaient wallon et, quelquefois, le créole obligé pour s'adresser aux Menyrs.

En 1870, prenant la parole à l'occasion d'une des sessions-agapes annuelles de la Société, le rapporteur du moment, Adelin Picard, atteste de la pérennité du projet et de l'idéologie en résumant comme suit les objections dont les honorables membres ne cessent de se défendre avec élégance (Bulletin de la SLLW, n°13, 1874, p.32) : " (La SLLW n'a pas l'intention de) - s'attacher à faire revivre un dialecte justement oublié - s'acharner à entraver l'invasion salutaire de la langue française - fortifier la barrière qui sépare les masses vulgaires de l'élite des lettrés - fomenter de nouvelles divisions dans nos populations - comme si ce n'était pas assez d'un mouvement flamand, susciter, sans bénéfice pour personne, une ridicule agitation wallonne. "

Au creux de la négation, le programme demeure clair : il ne s'agit en rien de faire vivre pratiquement la langue wallonne, qualifiée de dialecte, donc d'expression de nature inférieure, du reste présentée comme déjà parfaitement morte, selon une technique idéologique qui n'a guère varié en plus d'un siècle.

L'énormité du propos cependant, en 1870, se mesure aisément aux faits qu'enregistra encore en 1920, soit un demi-siècle plus tard, l'enquête de J.M. Remouchamps attestée par le Pr. J. Haust (Haust J. : Le dialecte wallon de Liège, 2ème partie, Dictionnaire Liégeois, Vaillant-Carmanne, Liège, 1933, p.XVII) : dans 73% des communes de Wallonie, 90% de la population se sert de préférence du wallon; dans 18% des cas, 50 à 90% de la population en font autant; dans 1% des cas la fourchette est de 25 à 50%, et dans 8% seulement elle descend sous les 25%; en outre, 56% des conseils communaux usent du wallon, dont 33% concurremment avec le français et 23% tout à fait exclusivement.

Voilà qui rompt certes avec les statistiques nationales qui, refusant de considérer le wallon lors des recensements et obligeant les agents recenseurs à assimiler le wallon au français, comptent, pour 1900, 1.896.008 " Belges ne parlant que le français " (Dupuis P. et Humblet J.E. : Un siècle de mouvement wallon - 1890-1997, Quorum, Gerpinnes, 1998, p.41).

La quintessence de la fiction appartient cependant au francolâtrissime comte du Bois. Dans son " Catéchisme du Wallon " (1910), à la question " démontrez-moi que les Wallons possèdent les traits distinctifs de la nationalité française ", il fait répondre sans rire : "C'est trop facile : nous parlons le français et nous ne parlons que le français" (Dupuis P. et Humblet J.E., op. cit. p.16). Mais sans doute le comte ne comptait-il, du fond du bois, qu'autant de noblions que d'arbres.

C'est donc à l'encontre du parler de la toute grande majorité de la population qu'il s'agit d'accueillir " l'invasion salutaire de la langue française ". L'expression, venant de témoins et d'acteurs du fait, a ainsi le mérite de clairement énoncer et reconnaître l'intrusion exogène. Elle contraste, ce faisant, avec la récente amnésie post-traumatique par laquelle d'aucuns voudraient, la déposession linguistique étant aujourd'hui accomplie, parfaire l'idéologie en donnant le français comme la "langue séculaire de chez nous", au motif que quelques clercs, nobles ou bourgeois, donnés comme nos "ancêtres", l'auraient déjà taquinée avant qu'elle ne fasse irruption au sein d'un peuple supposé jusque là sans langue et aujourd'hui à jamais disparu. Les Wallons gagnent ainsi le privilège d'être les héritiers non des familles qui furent les leurs, mais de quelques élus qui auraient sanctifié leur terre d'une culture exquise et exclusive.

Pour la Société, cependant, l'oeuvre se justifie par le projet d'intégrer les masses dites "vulgaires" aux standards de la minorité appelée "élite", telle qu'elle se donne à connaître par la voix du bourgeois francophone, voix à laquelle participe celle même des honorables membres de la Société. Dans un pays peuplé d'ouvriers ruraux, de carriers, de verriers, de mineurs (ces derniers, à eux seuls, sont plus de 130.000 en 1900), de toutes gens qui prestant 14 à 16 heures par jour pour des salaires de famine, obligés au travail des enfants, sans protection ni droits sociaux (Hasquin H. (dir.) : La Wallonie, le pays et les hommes - Histoire, économies, société, Tome II, pp.159 sqq.), qui sont en effet les honorables membres de la Société ? Plus d'un est rentier, plusieurs sont châtelains, nombre sont professeurs d'université, sans compter des représentants du clergé, des imprimeurs, des armuriers... (Werner, o.c., pp.46;51). Ils appartiennent largement à la classe dirigeante ou aisée, bourgeoise, conformiste, ignorante des conditions économiques et sociales de la classe ouvrière, mais se mêlant de près au contrôle et à l'organisation de l'Etat.

La fin ultime s'énonce d'ailleurs comme celle de sauver et de renforcer la cohésion de "nos populations". Ceci signifie aussi, dans le contexte, la cohésion de l'Etat-bourgeois du moment qui, loin du suffrage universel, se voit précisément régi par - et d'abord au profit de - quelques quarterons censitaires ou capacitaires : 40.000 électeurs en 1830; 180.000 en 1890, soit 1 à 2 pourcent de la population, issus directement de l'"élite" que distingue et consacre le maniement de la langue française.

De cette façon, promouvant la cohésion linguistico-nationale autour de ses standards cependant éminemment minoritaires, c'est cette élite aussi qui, par le privilège de la langue élue, demeurera et se renforcera comme "leader culturel du peuple" en évitant "une ridicule agitation wallonne". Gagnant les Wallons à la pré-éminence de la langue qui lui sert d'emblème autant que d'instrument, elle pourra les voir s'identifier de manière croissante à l'Etat - son Etat - conçu sous ce même emblème. Si régnait encore l'illusion d'une langue qui aurait plus de vertus que l'usage qu'on en fait, il faudrait bien reconnaître que la langue française, langue de l'Ancien-Régime autant que de la Révolution, fut bien, dans l'Etat belgique naissant, celle de la bourgeoisie censitaire triomphante jusque dans la bouche des enfants d'autrui.

Mais, mêlant cette fois affirmations et dénégations, notre interprête idéologique fera valoir aussi que la Société avait avant tout à coeur : - de venir en aide aux études philologiques et littéraires, non d'en détourner l'intelligence des élites - de conserver la mémoire des locutions et des anciennes moeurs locales, si nécessaires aux progrès de l'histoire du pays, et en aucune façon de nous retrancher dans un étroit et obscur isolement. Et, commentant l'évolution des travaux de la Société, il dira : " Tandis qu'à l'origine nous avions à encourager et à récompenser d'heureuses tentatives dans le domaine de la littérature et de la poésie populaire, nous voyons aujourd'hui le champ de la philologie et de l'histoire exploré avec succès par des chercheurs aussi infatiguables qu'habiles ". Pour conclure : " Nous pouvons d'autant plus nous applaudir de ces résultats que c'est au profit de la langue française, de la langue littéraire, que tant d'efforts ont été déployés, tant de zèle prodigué, tant de temps sacrifié. Oui, Messieurs, l'étude du wallon est maintenant, de l'aveu de tous, une des branches essentielles de la philologie française. "

Voici donc la place de la langue propre : il est bon de s'en occuper, non pour qu'elle vive, mais bien pour l'offrir en objet d'études et d'analyses légitimes honorant la distinction des élites. Ou encore, pour la momifier en article de musée ou l'offrir en hommage, en dot historique, à une nouvelle et artificielle patrie. Hors ce déni et cette cession de ce qu'on est pour devenir ce qu'on croit devoir être, et ainsi mériter d'exister comme on n'est pas, ne demeurerait que le confinement étroit et obscur, celui que, plus d'un siècle plus tard, toujours fidèle à la même idéologie, on nommera encore l'appauvrissant " repli wallon ". Ne sois donc pas toi-même pour être grand, renie-toi comme ténèbres pour prétendre à la lumière, et revêts la peau d'autrui pour te croire scintiller !

Certes, on aura pu prendre plaisir, naïvement et dans un premier temps, comme des paysans à peine échoués dans la cité, à fomenter et soutenir de bons morceaux moralisant les demeurés dans leur propre idiome. On ne s'y sera résolu, pourtant, qu'à défaut de pouvoir célébrer immédiatement dans la langue des dieux, bonheur auquel manquait encore l'instruction obligatoire (1914), conquête certaine, proportionnant cependant bouches et coeurs au seul langage des cieux.

Mais, voilà que, l'idiome posé sur la table des biopsies, s'ouvre une vocation autrement gratifiante : celle d'en exhiber savamment les dépouilles au regard de pairs estimables. Oui, vaillants membres de la Société, en la matière vous aurez effectivement gagné par vos efforts, votre zèle et vos sacrifices, le droit de vous enorgueillir de résultats que votre application rendait parfois meilleurs que ceux des modèles que vous aduliez. A la manière pourtant dont vous justifiiez votre satisfaction, il est heureux que vous ayez pris soin de vous en applaudir vous-mêmes. Car votre orgueil, vous le tiriez tandis qu'étouffait la langue dont vous serviez les restes au banquet d'une autre. Voilà ce que n'auraient toléré, pour la leur, ni ceux à qui vous empruntiez cette autre, ni nul qui recevant le dépôt d'une langue par la chaîne séculaire des générations y reconnaîtrait un part du patrimoine de l'humanité et donc le devoir de la cultiver et de la transmettre vivante, ce qui - faut-il le dire? - n'exclut ni la maîtrise ni l'amour d'autres idiomes, mais implique aussi de faire exister pratiquement le sien.

Deux ans plus tôt, notre témoin idéologique, rapporteur déjà lors du banquet de 1868 (Bulletin de la SLLW, n°11, 1868, p.32-33), évoquait des questions plus pragmatiques : comment se situer dans les dynamiques de réaffirmation régionale traversant déjà l'Etat belgique. L'argumentation est la suivante. Le municipalisme est une bonne chose pour le self-governement. Sous ces auspices, on peut accepter un mouvement flamand qui s'attache aux souvenirs, aux traditions, au langage simple et naïf. Mais on ne peut plus être d'accord lorsqu'il s'agit de fanatisme, de référence à l' " oppression " d'une partie de la nation, de séparation des Belges en deux camps ennemis. Dans les premiers moments de la Société, les Wallons ont pu, face aux ressources traditionnelles qu'exhibaient les Flamands, montrer qu'eux aussi en avaient qui n'étaient pas dignes de dédain. Ils ont ainsi gagné le droit de se taire (sic!) constatant que ce n'était qu'un jeu d'esprit et, bien sûr, " jamais on n'a eu le projet insensé de faire oublier la langue et les chefs d'oeuvre des grands maîtres de la littérature française ".

On le voit : le raisonnable, le légitime et l'acceptable, c'est la langue propre réduite au municipal, local, petit, fragmenté, rudimentaire, folklorique et passéiste. Béni soit le campanilisme des ilotes ! Mais dès que s'évoquent la référence supra-locale, l'identité collective plus large, l'expression élaborée, voici l'injure de la déraison, l'attentat du fanatisme, l'horreur du bellicisme anti-patriotique et anti-culturel. Car il n'est qu'une culture digne du nom, une et indivisible : celle qui illustre et conforte la position sociale par l'honneur rendu à, et reçu de la langue exogène, en renforçant simultanément l'Etat qui garantit cette position lorsque celle-ci s'empare de lui.

Culturellement francolâtre, notre bourgeoisie l'est ainsi parce qu'elle adore dans la langue élue le principe même de sa distinction et de sa domination. Politiquement francophile, elle ne l'est guère, plusieurs sont même francophobes, car elle règne dans les limites de l'Etat qu'elle crée et accrédite. Ainsi, des spécificités "nationales" momifiées, à condition d'entrer au musée et d'y demeurer, offrent la subtile et nécessaire transaction : dominer par la langue exogène en marquant néanmoins l'originalité de l'espace de domination propre, réduire la langue propre en lui rendant néanmoins les derniers hommages au titre de différenciation marginale inoffensive puisque simultanément dévitalisée. Et l'on y compromettra sans vergogne " la langue et les chefs-d'oeuvre des grands maîtres de la littérature française ", qui n'y furent pour rien mais auxquels on attenterait dès lors que l'on ne reléguerait pas sa propre langue.

Voilà donc ce que fut aussi la Divine Enfant.

Une marâtre hautaine

Certes, on ne peut réduire chacun des membres individuels de la Société à l'idéologie qui domine l'institution. Il est vrai par ailleurs que la Société a soutenu un développement important de la philologie, de la littérature et de la production théâtrale. De grandes oeuvres sont nées qui, si elles ne furent pas toutes réalisées au nom de la Société, ne sont pas sans rapport avec ses efforts. On songera ainsi, trop brièvement et de manière trop éclectique, au "Dictionnaire étymologique de la langue wallonne" de Ch.Grandgagnage, initié dès les origines et plaçant le wallon au sein des études scientifiques de niveau international, à l'outil remarquable qu'offre le "Dictionnaire liégeois" de J.Haust, aux travaux de l'"Atlas linguistique de Wallonie", toujours en cours, à l'"Anthologie de la littérature wallonne" de M.Piron, aux sommets littéraires conquis par Henri Simon ou Franz Dewandelaer, sans oublier le succès de foule de "Tåtî l' pèriquî", pièce de E.Remouchamps, couronnée en 1885, qui relanca le genre théâtral wallon.

La Société fut seule aussi, jusqu'au début du XX°siècle, à s'intéresser à tous les parlers romans de Wallonie, contribuant ainsi au développement d'un concept d'unité wallonne. N'est-ce pas son président Charles Grandgagnage (de 1857 à 1878), qui affirma que la langue wallonne formait le seul symbole reliant entre eux les Wallons de différents âges et de différentes contrées (Werner J., o.c. p.46) ?

Sans ces développements, la langue wallonne serait aujourd'hui dans des conditions moins favorables, et ceux qui se réengagent à son égard trouvent dans ces mêmes développements bien des ressources et des soutiens. Ce qui fut acquis est ainsi trop pour une langue que l'on prétendrait ou voudrait morte. C'est trop peu aussi pour qu'elle vive, mais ce fut essentiel pour qu'au moins, sans la parler, on en parle. Car la Société, se proclamant " académie sans en avoir le nom mais agissant comme telle "... ne s'exprime qu'en français, et ses membres n'apprennent à leurs enfants que la langue empruntée.

Du président Lequarré, osant néanmoins ses discours en excellent wallon, ses compères esquissèrent un rare portrait : " Lequarré avait la coquetterie (!) de prononcer en patois (!) les discours, les toasts que requéraient nos séances publiques " (Werner J., o.c. p.54). Et, d'expérience plus récente, nous nous remémorons cette promenade sur les pas d'un défunt auteur wallon où, tous devisant en français, deux responsables de la Société chuchotaient tout de même wallon entre eux et à l'écart... pour perdre la langue dès l'approche d'un tiers.

Voilà donc une des rares sinon la seule académie à taire et faire taire la langue qu'elle prétend régir, prêchant par l'exemple son humiliation, sa minorisation, sa dévalorisation et sa marginalisation pratique. Même l'Ordre du Bloempanch, académie drolatique du quartier populaire bruxellois des Marolles, honore ses séances dans le parler de son coeur, dont nul - au contraire du wallon - n'a jamais prétendu qu'il fut une langue autre que folklorique. Mais peut-être ce dernier attribut manque-t-il encore trop au wallon pour que l'on s'autorisât à le faire entendre? Aussitôt, cependant, on lui opposerait le fractionnement dialectal prétendu insurmontable pour mieux justifier le recours à un autre parler.

Sur ce plan, précisément, la Société aura pris des orientations lourdes de conséquences. La question partit du souhait de normaliser l'orthographe du wallon. En 1899, à la demande de la Société, Jules Feller présenta un système d'écriture qu'il fit admettre dès 1901 (Feller J. : Règles d'orthographe wallonne soumises à l'avis des auteurs par la Société liégeoise de Littérature wallonne, Bulletin de la SLLW, n°41, partie II, pp.46-96).

Sans que l'on ne puisse établir si l'auteur le sut, ses principes recoupent deux axes majeurs de l'idéologie de la Société : d'une part apprêter le wallon comme objet d'études dialectologiques, d'autre part le reléguer au rang de patois. Le système élu, en effet, pour contenir également d'heureuses et intelligentes suggestions, ira jusqu'à apporter un soin obsessionnel à la notation des moindres variantes dialectales, y compris de simple prononciation. Ainsi, multipliant les signes diacritiques (accents, etc.) jusqu'à en produire aisément 60 à 80 aux cent mots, il s'attachera à distinguer "mémwére" et "mémwêre", "abatwér", "abatwêr" et "abatwèr"... Du point de vue dialectologique, les auteurs conformes pourront alors se voir comme témoins exacts des accents de leur clocher, voire de la fraction de paroisse à laquelle ils appartiennent. En même temps, le wallon éclatera en autant de parlers prétendus différents, preuves du caractère purement patoisant et gages de l'inexistence comme langue. Pour juger de l'efficacité du procédé, il suffirait d'en appliquer les principes à quelques séquences de français pincé à la manière dont on l'entend souvent à la RTBF (Radio-télévision belge frankeufeune) dans des conditions qui, au demeurant, ne doivent guère au wallon mais beaucoup à l'obsession d'écraser un arrière-fond thiois qui lui-même empêche d'entendre correctement les sons romans :

- la vèrtikèlité de la fèssêde de la kèbine téléfeunique de la keumuneuté - les nouvèles froeuches, ioeur au zjité, zjénièl! [le "oeu" de "écoeuré"] - le bénéveulèt judissioeure est une concoeute fransoeuze

A pratiquer pareille minutie phono-orthographique en d'autres lieux, y compris de France, autant de nouveaux "patois" naîtraient aux yeux des analystes tout en niant le français comme langue. Quod erat demonstrandum.

Cette hyperdialectisation ne traduit pas seulement la variété : a bien des égards, elle la constitue. Elle génère à elle seule bien des handicaps. Ainsi, sans parler de l'édition en autant de " langues ", la lecture se fera soit exercice d'annulation mentale ou de traduction permanente des accents du voisin pour retrouver les siens propres, soit mélodisation à haute voix pour reproduire tant bien que mal diverses variantes. En tout état de cause, le fractionnement matérialisé dans l'écrit fera de tout exercice de lecture, même dans la variante propre au lecteur, un exercice de fractionnement et donc d'inexistence de la langue.

S'y ajoute l'obstacle à tout recueil commun de vocabulaire. Reprenant l'exemple RTBF-ien, il suffira de distinguer "cabine" et "kèbine" pour engager la production de deux dictionnaires distincts, et peu de pays si petits que la Wallonie ont produit en si peu de temps tant de dictionnaires. Pour une présentation commentée, voyez " Counet M.T. : Mots et choses de Wallonie - Aspects du lexique dialectal de nos régions, Catalogue d'exposition - SLLW et BDW, Liège, SLLW, 1990, 136 pp ". Vous constaterez que la simple liste des dictionnaires, lexiques et glossaires couvre quelque 25 pages du volume! Enfin, la rigidification de ces fractionnements freinera largement l'évolution dans le sens constitutif des langues modernes : l'unification croissante par brassage, cumul et arbitrage progressif des différentes variantes.

Aux effets techniques de la transcription s'ajoute l'influence de la Société en matière de canons littéraires. On admettra ainsi que le wallon d'un auteur n'est de qualité que s'il est sous-ethniquement pur, c'est-à-dire s'il transcrit exactement la variété supposée être celle d'un endroit déterminé, sans "métissage" avec le parler voisin, même le plus proche, et, certes, sans nul néologisme. Les lecteurs de bien des publications littéraires sont ainsi supposés se délecter d'étiquettes plus entomologiques qu'anthologiques, souvent placées systématiquement avant le nom même des auteurs pour annoncer : " dialecte de Philippeville ", " dialecte de Mettet ", " dialecte d'Anhée " (exemple contemporain, toutes localités situées dans un rayon de moins de 20 km.). Mais, pardonnerait-on la persistance distraite d'habitudes désuettes, qu'on se surprendrait tout de même à observer, très récemment encore, un périodique non littéraire, offrant jusque là et sans autres artifices quelques pages pour l'expression de sujets quotidiens en langue wallone, exiger soudainement des auteurs la déclaration préalable de l'espèce de wallon sous laquelle les classer.

Ce purisme sous-ethniciste ne renforce pas seulement le fractionnement de la langue. Il la fige dans un état passé supposé pur et idéal, il la vieillit, artificiellement, la dévitalise et l'appauvrit quant à sa capacité à dire le présent. Il apporte ainsi, par son propre effet, la preuve du postulat dont il s'était autorisé pour anticiper la momification. En même temps, avec les restes sublimés de la langue, se développera un mode d'expression littéraire de plus en plus désincarné, non dépourvu de qualités esthétiques, mais tirant, pour quelques rares initiés, le plus haut profit d'une langue morte dont ils prétendront cependant détenir la vérité et l'avenir (pour une analyse détaillée, voir Hendschel L. : Ecole dialectologique et génération 48, chez l'auteur, 1996, 48 pp..).

Elitairement appropriée, cette langue-là s'opposera ainsi à celle qui vit encore, tout comme s'y opposait et s'y oppose la langue française que la même élite s'appropria hier déjà. Le Consolamentum sera donc : " le wallon ne mourra pas parce qu'il porte en lui un héritage impérissable : sa littérature " (Werner J., o.c., p.42). Il devient pour certains " le wallon est sa littérature, sa philologie et sa dialectologie, telles que les définissent ses élites ", peu importe qui le comprend ou le parle encore. A l'encontre du théâtre wallon et de ses 300.000 spectateurs annuels, ou de ceux qui, sans doute plus nombreux, pratiquent la langue d'une façon ou d'une autre, quelques-uns invoqueront donc le manque de goût ou de capacités, pour conclure sans autres alternatives : " s'ils ne savent rien faire d'autre avec le wallon ou ne plus que mal le parler, qu'ils passent donc tout à fait au français ".

Prise dans le double carcan technique et esthétique, la langue se dérobe ainsi à la vie pour s'approprier de manière quasi-privée par de rares élus qui l'étudient in vitro ou la subliment en poésie, mais qui ne la parlent ni ne la transmettent jamais vivante. On peut ainsi gagner sur deux tableaux : à francophone, francolâtrissime-sourcilleux-et-demi qui interdira de faire vivre votre langue au prétexte qu'elle en blesse une autre; à wallonophone, wallonissime-exquis-et-demi qui vous interdira encore de faire vivre votre langue au prétexte que, cette fois, c'est elle que vous blessez.

On ne peut s'abstenir de rapprocher ces éléments du blasphème que la Société discerna - et de l'anathème qu'elle crut devoir lancer - lorsque des "voix non autorisées" osèrent faire entendre que la langue wallonne n'est pas morte, ni nécessairement condamnée au musée, et qu'il convient, pour lui rendre son souffle et son espace, de briser les carcans qui freinent l'expression de son unité tout autant que celle de la vie contemporaine. Tandis que, les Maîtres retranchés en leur tour, des mains profanes s'essayaient aux esquisses d'un wallon écrit commun et aux formes susceptibles de dire aussi la réalité d'aujourd'hui, la Société réagit donc par un pamphlet couvrant un numéro entier de sa revue " Wallonnes " (n°2/1996, SLLW, Liège, 16 pp.) pour réaffirmer sous le couvert d'Erasme mourant, cité en exergue, les plus traditionnelles perceptions idéologiques soutenant la disqualification du wallon, agrémentées de quelques quolibets à l'adresse des impétrants.

Au premier titre, en substance, quantité d'arguments sont ainsi évoqués pour : - par delà les pratiques mêmes des locuteurs contemporains qui intègrent de plus en plus diverses modalités de la langue, amplifier et accréditer des différences prétendûment fondées en théorie qui cantonnent cette langue au rang d'autant de "patois" ou de "dialectes", plus rarement désignés comme "parlers" ou "langages", niant donc son existence même comme langue; - sous l'image idéologique des "bons vins de terroir" (appel aux connaisseurs... et subtile autant qu'enivrante substitution d'objet!) exalter alors le "sens sacré de l'idiome" en tant qu'amour de toutes les particularités et de tous les particularismes qui peuvent séparer les composantes et les acteurs de la langue, ou encore en tant que "poésie à l'état pur" dispensant de toute pratique à l'état concret; - stigmatiser enfin la langue telle qu'elle se parle encore comme langue de mauvaise qualité, galvaudée ou médiocre, pour mieux justifier les canons sous-dialectaux néanmoins évanescents.

Au second titre, le vin se corse de saveurs spécifiques propres sans doute au cru particulier ou, plutôt, au mélange de picrates qui forme le pamphlet, puisque divers membres de la Société y contribuent "en résonnance" par d'élégantes notes marginales. Ainsi : - la tentative de faire émerger l'unité de la langue serait "fumisterie", oeuvre de "songe-creux", de "fanatiques", d'"extrémistes" et d'"immatures", éblouissant des "esprits frustes, ignorants ou exaltés", avec l'aide quelquefois, ciel et fiel!, de docteurs d'université "trahisseurs de clercs"; - l'ouverture de la langue aux besoins contemporains, notamment par la néologie en matière d'informatique, d'astronomie, de psychologie ou de linguistique ne serait, de son côté, que délire de "malades mentaux".

On conclura dès lors à ce qui semble venir comme l'essentiel, à savoir que le wallon, pour ne pas dégénérer en "chienne de luxe" (sic) doit - à côté du français, "poli, affiné, enrichi par des siècles de culture et d'art" et "que nous avons depuis des siècles (!) choisi librement (!) comme notre langue commune" - demeurer une modalité limitée dans ses applications et hétérogène dans sa forme, soit un vrai PATOIS (terme souligné dans le texte).

Evidemment, le discours de la Société ignore la qualité d'indignation devant le sort fait à une langue. Il ramènera donc celle en faveur du wallon à la référence au français, en prétendant que "par haine et par esprit de revanche" certains voudraient l'"évincer par quelque moyen que ce soit". Ainsi, travestissant en agression et projet de domination le simple souci de laisser à toute langue les moyens de son développement linguistique, réapparaît dans toute son ampleur le postulat idéologique invariable : il ne peut vivre sous le soleil qu'une seule langue; l'ombre et l'étiolement sèyent à l'autre s'il s'agit qu'elle ne menace pas aussitôt l'illumination même.

Mais, au fait - on l'oublierait presque - quelle langue a souffert, non de l'autre comme telle, mais du rapport exclusif et excluant que d'aucuns ont entretenu et entretiennent encore à cette autre? Le surréalisme de la paranoïa le ferait presque oublier aussi : le wallon a-t-il jamais menacé le français et le pourrait-il même? Ou la tradition de la longue chasse à la "langue de trop" se muerait-elle, avec le refoulement de l'agression, en projection de celle-ci sur la victime? Ou encore, l'exclusivisme hiérarchique proclamé et pratiqué en faveur d'une des langues en même temps que la relation de crainte/amour à l'égard de l'autre, ne seraient-ils que les deux faces d'une même réalité : l'ambivalence fondamentale toujours non résolue, entre ce qu'on voudrait être et paraître, et ce que l'on est et craindrait d'être? Mais alors, la césure ne serait pas seulement entre les langues mais aussi en nous-mêmes...

Quoiqu'il en soit, notre histoire l'aura montré amplement en plus d'un siècle, nulle langue ne peut vivre, ni en pratique ni en droit, sous le seul régime de l'ombre et de la contention. Toutes les langues poursuivant leur histoire le font ou l'ont fait sur une même voie : le développement de leur cohésion interne, leur innovation créative face à tous les défis de l'expression, l'établissement de leurs droits et moyens. Ceci est vrai, hier déjà et aujourd'hui encore, des langues régionales ou minoritaires d'Europe. Ce fut, antérieurement encore, le cas des langues déjà plus anciennement établies. Or, c'est exactement cela que le discours observé prétend refuser au wallon et à ses locuteurs d'aujourd'hui, et ce par des arguments qui, s'ils avaient valu au moment où les langues contemporaines se constituaient comme autant de koïnés, n'auraient jamais permis la genèse ni de la langue française ni d'aucune autre langue moderne.

Et il n'est pas neutre non plus que ce discours survienne au moment même où les instances internationales oeuvrent à la reconnaissance statutaire, au soutien et à la promotion des langues minoritaires... pour autant qu'elles se reconnaissent sous une modalité commune, à la différence de simples dialectes. Seule au monde à prétendre que la cohésion croissante et l'innovation d'une langue seraient sa mort plutôt que les conditions et les signes de sa vitalité, ce serait donc cela aussi que la Divine Enfant, prenant figure de Marâtre hautaine, refuserait à la langue même dont elle se dit "académie" et dont elle va, dans son égarement, jusqu'à revendiquer la "tutelle scientifique" (premier mot du pamphlet que nous analysions)..

L'héritage des Naïfs

Devant le phénomène remarquable que constitue la relégation d'une langue en moins de trois générations, nous n'aurons suivi jusqu'à présent que l'oeuvre de la seule Société. Non certes que l'on puisse lui reprocher le mouvement dans toute son ampleur, mais bien parce qu'elle témoigne excellemment de l'idéologie qui le soutint jusques et y compris dans les cercles s'arrogeant la " promotion " de la langue propre. A ce niveau, on ne peut pour autant minoriser la responsabilité d'élites qui se déclarent "académie" et dont l'impact, du reste, va bien au delà des quelques dizaines de membres puisque tout un réseau s'y sera référé.

Nous aurons d'ailleurs vu ces élites passer d'une position exogène à une position endogène. La première, typique du 19ème siècle, aura consisté en effet à réduire la langue de tous au profit d'une langue tierce en vue d'établir l'Etat bourgeois. La seconde, conquise par le succès même de l'entreprise, consistera encore à réduire la langue propre, mais cette fois au seul motif qu'elle nierait la langue acquise comme langue naturelle de tous. De la raison d'Etat donnée comme raison culturelle, on sera ainsi passé à la raison linguistique donnée comme raison ethnique.

Si le chemin suivi évoque le "génocide culturel", il conviendrait de le nuancer au moins comme "auto-génocide culturel", fût-il largement "assisté". Certes, c'est d'une position étrangère à la masse de la population que les élites voulurent et réussirent la "salutaire invasion" de leur langue élue. Mais bien des membres de cette élite voulurent aussi cette invasion en eux-mêmes : la langue refoulée était souvent leur propre langue maternelle. En échange, elles renforçaient leur position. Quant à la grande masse, dépourvue d'élites qui s'éloignaient d'elle, prise dans le jeu des rapports sociaux et symboliques, dans les contraintes objectives et les pressions subjectives, y compris celles de ses propres projets nés dans ce cadre, elle suivit jusqu'à pratiquer souvent elle-même l'idéologie linguicide.

Sans doute tous ne s'y laissèrent-ils pas toujours ou pas directement prendre, comme le suggèrent les oeuvres théâtrales où bien des traits moquent les franskiyons infatués. Mais, par mégarde parfois, à corps défendant également et non sans efforts et souffrances, nombre ont rejoint le principe du totalitarisme linguistique en éradiquant, reniant ou dévalorisant leur propre langue pour croire ainsi gagner plus certainement la maîtrise de celle en voie de dominer. Appuyant les contraintes déléguées à l'école, on aura ainsi commencé par refuser de parler sa propre langue aux enfants ou, au moins, aux filles à conditionner comme dignement mariables, c'est-à-dire comme incapables d'offrir en langue maternelle autre chose que la langue empruntée. Viendront alors les chasses aux "belgicismes" (des wallonismes bien souvent), autant de "semaines du bon langage" et les oeuvres remarquables des grammairiens wallons de la langue française, témoins de l'intense effort d'acquisition. Mais, dans les conditions décrites, l'histoire d'un apport linguistique fut aussi celle d'une évidente dépossession linguistique. Les Wallons, pourra écrira Maurice Piron, auront conscience de " ce qu'ils ont - et de ce qu'ils ont perdu : la possession d'une langue " (Piron M. : Anthologie de la Littérature wallonne, Mardaga, Liège, 1979, réédité depuis, p.XVII).

La question vient donc d'approximer pertes et profits. A cet égard, des voiles idéologiques doivent d'abord pouvoir calmement se lever. Ainsi du leurre quant à la coïncidence de la langue et de la promotion individuelle ou collective. D'une part, en effet, si la langue acquise fut bien celle de la promotion individuelle, elle le dut probablement moins à ses qualités intrinsèques qu'aux rapports de force qu'établirent ceux qui, la parlant, faisaient l'Etat à leur façon. D'autre part, ce n'est pas la substitution linguistique qui fit la richesse du pays. Ainsi, sans qu'il n'y ait rapport de cause à effet, la Wallonie fut une des premières régions industrialisées du monde et son développement remarquable culmina au moment même où 95% de la population parlait wallon. Elle est aujourd'hui la plus faible, un mezzogiorno du nord, alors qu'une autre langue domine. Et ce ne fut pas non plus la langue que la bourgeosie promut qui empêcha celle-ci de retirer ses capitaux de Wallonie dès qu'elle n'y vit plus son avantage. Nulle langue donc ne porte en elle les conditions de la promotion et du développement ou de la stagnation et de la régression. A contre-épreuve : Les Flamands, les Catalans, les Luxembourgeois, se seraient-ils promus plus vite et leurs régions seraient-elles devenues plus prospères s'ils s'étaient dépossédés de leurs langues respectives? On peut en douter!

Mais il y a plus : la dépossession linguistique, la substitution plutôt que le cumul des langues, offre éventuellement un bénéfice idéologique mais galvaude les bénéfices réels d'autres alternatives. Les Wallons peuvent certes être fiers d'avoir acquis la maîtrise d'une langue de grande communication, même si depuis elle a quelque peu régressé sur ce plan. Mais ils ne devraient certainement pas s'enorgueillir de perdre pour autant leur langue propre. Non seulement l'histoire la leur confia, mais elle les dote aussi d'un moyen naturel, endogène et constant d'ouverture plurilinguistique (voir chapitre de Johan Viroux).

En ne s'investissant pas unilatéralement - voire en ne se piégeant pas idéologiquement dans une seule langue, mal qu'évitent plus aisément les langues minoritaires même lorsqu'on les défend, les individus comme la collectivité gagnent en capacités d'adaptatation à la pluralité effective des langues du monde.

Or justement, les responsables de la "Communauté française" l'avouent eux-mêmes : les francophones d'aujourd'hui font à cet égard bien piètre figure... ce qui n'empêche pas la RTBF, relevant des mêmes services, d'oblitérer la perception même des autres langues par le doublage systématique de la voix de leurs locuteurs. Entraînés dans le repli mono-linguistique, mobilisés pour la défense d'une langue donnée et accusés de lui nuire en défendant aussi celle de leur région, appauvris dans leurs capacités d'ouverture à d'autres langues et horizons, les Wallons et la Wallonie ne payent-ils pas ainsi encore le prix de l'idéologie et du triomphe bourgeois d'hier ? On y opposerait volontiers la dynamique des trois autres régions évoquées plus haut, toutes trois marquées par une langue minoritaire, au carrefour d'autres langues et cultures... exactement comme la Wallonie.

Mais la dépossession-substitution linguistique a laissé des stigmates qui dépassent de loin le seul langage : des gens et une collectivité culturellement et identitairement insécures, mutilés, voire terrorisés. Z.Hénin écrivit déjà en son temps : " roister li lingaedje a on payis, c'est ly arachy l' veye " (in Pirsoul L. : Dictionnaire Wallon-Français - dialecte de Namur, deuxième édition, Imprimerie Commerciale et Industrielle, Namur, 1934, p.420). Et l'historien P. Gérin commentera plus tard : " En apprenant le français, les Wallons négligeront les possibilités d'expression qui leur sont propres, perdront leur originalité au profit d'une même langue et s'identifieront pour longtemps avec le destin culturel de l'Etat unitaire. Sous cet angle, la francisation officielle a donc été un obstacle à l'extension du sentiment wallon. "

Portraits de Wallonie

- l'homme qui, après cinquante années de refoulement, redit quelques mots dans sa langue maternelle, les larmes aux yeux de bien-être... et de honte; - la fillette consolée de s'être fait dire Wallonne : "mais non : mon enfant, tu es Belge", vérité certes, mais pas davantage que la réalité niée... - les auteurs du "Manifeste pour la culture wallonne" craignant d'évoquer les langues régionales, y renonçant, et néanmoins traités d'archéo-ruraux; (Manifeste (1983) suscité par J.J.Andrien, J.Beaucarne, J.Dubois, J.Fontaine, J.Louvet et M.Quévit; le texte intégral peut être obtenu chez J.Fontaine, rue du Bois de l'Ecluse 4, 7890 Graty; il est présenté en partie dans Dupuis P. et Humblet J.E., o.c., pp.309 sqq) - le Parlement wallon lui-même qui, après avoir hésité à choisir comme hymne "Li Tchant des Wallons" déjà élu pourtant par l'Assemblée wallonne de 1912, renie le texte wallon jusqu'à ne même pas le mentionner pour y substituer une ridicule adaptation française, alors même que le Conseil de la "Communauté française", où siègent les membres du Parlement wallon, votait, en 1990, un Décret lui donnant le devoir de favoriser l'usage des "langues régionales endogènes" en tant qu'outil de communication ou moyen d'expression.

Les Wallons, ainsi, n'auraient ni parler, ni culture, ni même sans doute d'existence si ce n'est celle d'autrui. Là où, à la faveur d'un apparent consensus wallon sur la langue dominante, André Renard voyait naître la conscience de classe avant la conscience nationale, et en espérait l'émancipation finale des "masses populaires wallonnes" (Renard A. : A propos d'une synthèse applicable à deux peuples et à trois communautés (1961), reproduit in Dupuis P. et Humblet J.E, o.c., pp.182-210), il ne reste, le feu de la lutte éteint, que ruines de la culture populaire, les gens n'appartenant ni à une classe révolue, ni à un Etat qui leur échappa, ni à un groupe linguistique quasiment interdit de séjour, ni non plus à une région dont ils ne sentent plus la substance.

Ils errent sans feu ni lieu, renvoyés à autant d'illusions ou de chimères plutôt qu'à la réalité et à la gestion de leur être en commun le plus concret. Certains - beaucoup -, comme si de rien n'était, rêvent toujours l'ancienne Belgique où, le hiatus du pays flamand et de ses six millions d'habitants toujours plus vite traversé par autoroute, la langue française se parlerait de Sterpenich à De Panne. D'autres sont sollicités, sans trop de succès de coeur pourtant mais à grands renforts de moyens, par une "Communauté française" qui signifie au sens propre "de France", hyper-hexagonale en effet, éventuellement prolongée en "francophonie" d'anciennes colonies ou de néo-colonies, qui, coupant entre autres avec le reste du monde latin auquel lie néanmoins le wallon, sait tous les rhumes d'outre-Quiévrain mais ignore largement ce qui se passe ailleurs, même très près.

D'aucuns verraient cette "communauté" - sans nul "nationalisme" - donner néanmoins naissance à une "nation francophone" ou à une Belgique-de-papa-sans-la-Flandre-mais-regroupée-autour-de-Bruxelles, entités oubliant où sont les capitales de qui et de quoi et que l'on établirait, exactement comme la ci-devant Belgique, sur une pré-histoire post-construite où, cette fois, la langue se donnerait comme territoire éternel... Peu songent, ne fût-ce que pour le contraste, à ce que serait, à la même échelle, une "Communauté wallonne" unissant ceux d'ici et de là-bas formant son projet commun. Mais peut-être le seul nom serait-il déjà un critère de ce que l'on refuserait?.

Enfin, pour quelques autres encore, s'adressant à ceux qui ne savent plus du tout qui ils sont, le mouvement engagé n'aurait d'autre issue que d'attendre, comme si nous étions encore au 19ème siècle ou avant, la chance, la joie et la gloriole de devenir la dernière province d'un autre Etat s'approchant des "frontières naturelles" que lui rêvait déjà l'Ancien-Régime. La destruction du ressort collectif propre montre ici sa fine pointe et sa vraie fonction pour ceux-là : préparer l'annexion, qui serait moins perverse ou moins incivique que le "séparatisme" prêté parfois à d'autres, annexion euphémisée sous le vocable "rattachement" ou, mieux encore "retour à-", au prétexte que nous aurions été artificiellement et pour notre malheur séparés d'une "Mère Patrie" ou d'une "Nation" qui, pourtant, ne nous visita jamais qu'en militaire , pour une vingtaine d'années tout au plus, et sans même nous distinguer de la Flandre et des Flamands.

Comme si nous avaient manqué non les auteurs, la culture et les apports que nous connaissons déjà, mais encore Danton, Robespierre, Napoléon III, Pétain, l'O.A.S. et Le Pen, les guerres de 1870, d'Indochine et d'Algérie, Sedan et Dien-Bien-Phu... et le "sang impur abreuvant nos sillons" en lieu et place du trop modeste "Nos vz inmans bin sins k' nos l' criyanxhe trop hôt".

Mais, les vertus wallonnes seraient-elles trop spécifiques qu'on nous assénerait qu'aujourd'hui (enfin!) "nous parlons tous une même langue de Verviers à Marseille", d'où la raison politique. Ainsi, pourtant, il faudrait rééditer aussi l'Anschluss de l'Autriche à l'Allemagne, le "Heim ins Reich" pour la communauté germanophone de Belgique et les Allemands de la Volga - membres de la "nation allemande" au moins autant que les Wallons le seraient de la "nation française" -, démembrer la Suisse entre l'Allemagne, la France et l'Italie, réincorporer l'Irlande au Royaume-Uni d'Angleterre, d'Ecosse et du Pays de Galles et, l'océan n'étant plus un obstacle, inclure ce dernier ensemble aux Etats-Unis d'Amérique du Nord auxquels se joindraient l'Australie et le Canada moins le Québec qui retournerait alors à la France comme la province qu'il fut, lui, vraiment...

Comme si donc la langue faisait la culture et la politique, et comme si, pour la Wallonie, le fait d'être coincée entre une extrême-droite forte au nord et une autre forte au sud, entre la résurgence du V.N.V. et celle de Vichy, sans céder pourtant à un tel mouvement, n'était pas, parmi d'autres, une marque de culture politique spécifique, et sans doute de culture tout court, partagée modestement entre Wallons.

La dernière qualité citée des Wallons, la modestie, fut cependant notoirement mise à l'épreuve, voire l'est encore aujourd'hui, à l'occasion même du mouvement de substitution linguistique. Certains, en effet, mangeant leur bon grain avec l'ivraie, par mégalomanie empruntée, y ont cru gagner le droit de mépriser les autres. Ainsi "l'Europe est faite de grands espaces culturels qui transcendent les frontières" et est "marquée par le rôle décisif des grandes cultures"... pour noter que "les petits espaces culturels y donnent (...) des oeuvres (...) toujours quelque peu provinciales".

Ainsi encore, "nous trouvons dans la tradition culturelle française une affirmation de la raison qui met les choses en ordre, qui protège des abus et libère des violences"... pour noter chez d'autres, les Flamands en l'occurrence, "leur insensibilité aux rigueurs du droit et leur répugnance à une règle objective", étant entendu que "derrière les grandes spécificités culturelles, il y a aussi des choix moraux." Tous ces extraits sont issus du n°2/1980 des Cahiers du Centre Jacques Georgin (FDF, Bruxelles), pp.163-164.

Ainsi aussi, face à une "langue de rayonnement universel et merveilleux instrument d'émancipation", il n'aurait été que "fatras bourbeux des dialectes flamands, multiples, différents, les Flamands eux-mêmes ne se comprenant pas entre-eux" (in Hasquin H., o.c., p.192); leur langue étant sans terminologie ni bagage scientifique, limitée à un très petit nombre d'hommes, cause ainsi d'isolement et d'infériorité, et donc condamnée à disparaître (Journal Le Soir du 01.02.1900).

S'il est vrai pour un Wallon qu' " i n' faot nin peter pus hôt ki s' cu ", de telles prétentions ne sont pas d'abord injures à autrui, ni par la même occasion injures à nos propres parlers traités à l'identique : elles sont essentiellement étrangères à la culture wallonne, voire anti-wallonnes.

Parmi les héritages que traînent encore les Wallons et la Wallonie, il reste ainsi aussi celui de l'animosité suscitée, chez leurs compatriotes de l'ancienne Belgique et donc leurs partenaires de la Fédération actuelle, hier par l'oeuvre de la bourgeoisie, aujourd'hui par certains de ses héritiers au moins spirituels. Ce sentiment, sans doute, est injustifié vis-à-vis des Wallons wallonophones de l'époque qui subissaient exactement le même mépris et refoulement. Il l'est aussi vis-à-vis de ceux qui, aujourd'hui, n'ont pas repris avec leur français l'idéologie dominatrice et exclusiviste. Mais il ne pourrait faire oublier que l'identité déstructurée des Wallons fut aussi - et tente parfois encore à être - refaçonnée et sollicitée sur d'autres bases pour les faire servir de masse de manoeuvre à des combats qui ne sont pas nécessairement les leurs. Hier, par exemple devant les "900.000 francophones des Flandres", comme aujourd'hui à propos des résidents d'une "périphérie" qui méprisaient et méprisent encore la langue du pays où ils se sont établis, la question peut en effet venir de savoir si la "lutte anti-flamande" ou "pro-francophone" est bien et toujours une lutte pro-wallonne.

La question concerne aussi la possibilité d'une vie harmonieuse et réciproquement respectueuse des entités composant la Fédération d'aujourd'hui. Il s'agit là de la condition même de cette Fédération, alors que l'existence dans le cadre de celle-ci offre, actuellement, dans les faits et au regard d'autres alternatives, les opportunités objectivement les plus favorables aux gens de Wallonie et au développement de la Wallonie elle-même. Ceci coupe certes avec des perspectives et des cadres qui auraient comme motifs ou effets d'éviter la Wallonie tout autant que d'éviter de découvrir que Wallons et Flamands peuvent s'entendre, surtout en étant eux-mêmes. Ceci coupe aussi avec une mythique intégration dans un autre Etat dont les avantages comparatifs objectifs ne se discernent guère : ce n'est pas, en effet, de son économie que nous vivons ni même vivrions davantage.

Et si, alternativement ou dans une perspective à terme, argument simpliste était fait que la Wallonie serait trop petite que pour affronter son autonomie croissante, trois références au moins pourraient être retenues : le fait objectif du succès d'autres entités qui ne sont pas plus grandes et parfois même plus retreintes; le plaisir - tout entier de culture française - de boire dans son verre même quand son verre est petit; la confiance, enfin, qu'exprimait un ami portugais : "nous n'étions pas plus nombreux quand nous avons conquis le monde".

Un dernier héritage enfin concerne la langue française elle-même. Tout comme certains, confondant leur rapport exclusiviste à la langue avec la qualité intrinsèque de la langue, n'ont pas hésité à évoquer cette qualité pour se prétendre justifiés à éradiquer d'autres langues, d'autres à leur tour, confondant la langue par laquelle on blessa avec l'usage que l'on en eut, ne peuvent éprouver cette langue que comme la "glottophage" qu'on en fit et donc comme ennemie de toute autre langue qui se respecte.

Voilà donc le singulier service rendu par les exclusivistes à la langue qu'ils prétendent aimer et servir! S'il était décent, la chose ferait évidemment sourire au moment où les mêmes "amateurs" parfois, pour défendre leur langue élue, maintenant en perte de vitesse par rapport à une ou des autres, plaident soudainement - mais seulement à une autre échelle que celle de leur pays - les valeurs de la multi-culturalité. Dans l'intervalle, l'histoire aura montré la vanité et l'erreur du propos prétendant écraser ou simplement ignorer la langue et l'identité d'autrui : on les aura tourné contre celles promues et contre l'instrument de cette promotion, identifié à l'oppresseur.

En léguant la même logique et idéologie malheureuse à une quelconque institution, celle-ci ne recevrait qu'une bombe à retardement et, pour le moins, le même désamour, fût-il, dans une première étape, seulement latent. La Société qui prétendit régir la langue wallonne au profit d'une autre n'est déjà plus - si elle le fut jamais - celle des wallonophones. Les Wallons ont encore une Région., même inaccomplie, puisque sans compétences pour l'essentiel des matières éducatives culturelles et médiatiques sur son territoire. Ils sont aussi censés partager une "Communauté (dite) française", même sans territoire, puisque - contrairement à l'illusion d'optique que crée le prétendu synonyme "Wallonie-Bruxelles" - cette "communauté" n'est pas composée de la Wallonie et de Bruxelles, ses compétences se limitant, en zone bruxelloise, aux institutions et services de son ressort, à côté de ceux qu'y gère pour sa part la "communauté flamande. Cette Région wallonne et cette "communauté française" donc, elles aussi sont à l'épreuve des héritages.

Pour conclure, la raison de la Wallonie, pourrait-on dire, n'est pas d'abord culturelle mais politique et économique. Elle est née, en effet, de l'histoire qui montra que, sans nous donner les outils de notre existence collective, là où nous vivons, nous serions chaque fois desservis quant aux conditions de cette existence. Un pouvoir institutionnel wallon est donc né.

Lorsque cependant persiste la négation de l'identité propre aux Wallons, les conditions collectives de mise en oeuvre de ce pouvoir sont en même temps niées. Lorsque cette négation est négation culturelle de la Wallonie, lorsque le motif et le moyen en sont l'assimilation linguistique pure et simple, lorsque donc la négation d'une langue historique propre en est la justification, ce serait - pour oser une formule lapidaire - presque une raison d'engendrer cette langue si elle n'existait pas ou de la ressusciter si elle ne vivait déjà.

Quel mal donc y aurait-il - mais au contraire quel bien! - à ce que cette langue vive et se ravive, forte et franche, à côté de toutes les autres langues et cultures qu'un Wallon, comme tout citoyen digne et capable d'un monde moderne et ouvert, doit également maîtriser pour approcher ce monde avec intérêt, sympathie et amitié pour autrui, certes, mais aussi pour son propre dynamisme et bien-être. Nul individu ni collectif ne peut exister vraiment avec et pour l'autre s'il n'aime ce qu'il est et ce qu'il fut, s'il ne l'a pas oublié, ni méprisé ni renié.


Jean-Pierre Hiernaux, divins: Qué walon po dmwin, Quorum, Gerpinnes, 1999.